La recherche de l'égarée

Je ne peux m'empêcher d'être un peu écoeurée par le frottement de ses mains. A quoi peut donc l'amener la vénalité, la soif de richesses ? Mais mon propre écoeurement est-il sage ? Non, je ne suis rien pour juger d'un rien...

J'en suis là de mes pensées quand le marchand ouvre ses tiroirs. Il a été puni bein durement de cette vénalité, dirait-on...

- Voilà qui est ennuyeux... Auriez-vous une idée de qui vous a volé ? Ou bien d'un autre herboriste qui pourrait avoir en réserve tout ce dont j'ai besoin ?

Le vieil homme s'agita avec nervosité, les larmes aux yeux ...

- Vous en comprennez pas ? Il n'y a plus rien !!! Plus rien !!! Comment serait je quel monstre a pu me faire cela ??? Croyez vous que ...Argh !

L'homme s'étouffa avec sa propre salive, et avala de travers....
Il s'effondra sur une chaise, sa petite calotte de soie noire lui tomba sur le visage...Xiao Hu Li se retenait difficilement de rire en voyant la tragique marionnette s'agiter de la sorte.

[il s'agite ou il est immobile ?]
[Il s'agitait de manière comique, il est immobile maintenant]

Inquiète, je mesure son pouls...

Le souffle est court et témoigne d'une santé fragile : un excès d'émotions Yin aurait tôt fait de déséquilibrer son organisme et d'agir sur son coeur.
Du reste, il n'est actuellement pas en danger, simplement en proie à un choc émotionnel.
Sur le guichet de bois de l'herboriste, Xiao Hu Li décroche un texte, qu'il ne sait pas lire

" Paie le mal avec la justice, et la bonté avec la bonté"

La citation de Zhuang Zi est signée d'un trait extrêmement fin : Jin Lang Zi, le Prodigue.

Je me penche vers Petit Renard et lui dit :

- Si tu restes à mes côtés, je t'apprendrai à lire, si tu veux. Mais bien sûr, si tu préfères t'enfuir, tu en es libre... Mais je doute que cela soit sage. A mes côtés, tu es en sécurité, pour le moment du moins.

Puis je me penche vers l'écrit que je lis à haute voix, surprise.

- Eh bien, herboriste, il semblerait que vous ayez été puni de quelque mal que vous avez commis.

Je penche la tête, pensive.

- De votre vénalité, sans doute. Cependant, je ne sais s'il est juste qu'un seul homme décide de la justice...

Puis je me penche vers le marchand :

-Savez-vous qui est Jin Zang Li ?

L'homme, effondré, remua la tête

- Non ! Non ! Je ne le connais pas....C'est un bandit ! Un assassin ! Un vandale !

Le "Petit renard" sautilla sur place

- Moi je le connais....C'est un héros ! finit-il, de l'admiration dans la voix

Je me tourne vers Petit Renard... puis me reprend au dernier moment. Saluant le marchand, je prends congé rapidement. Ce n'est qu'une fois dehors que je me tourne vers l'enfant et lui demande doucement :

- Un héros ? En quoi est-il un héros ?

- Je ne l'ai jamais vu...En fait, personne ne le voit jamais ! Il change de visage tout le temps ! Il donne de la nourriture aux gens dans le besoin ! Et ...Et...Il est capable de se déplacer dans le ciel et de vaincre 80 ennemis à la fois... dit l'enfant visiblement excité. Plus tard, je voudrais être comme lui et je vengerais mon père !

Voilà un personnage que j'aimerai bien rencontrer... Il faudrait que je fasse une petite enquête sur lui, à l'occasion, il y a peut-être des hommes bons en ce monde. En attendant, je me contente de sourire à Petit Renard :

- Dis-moi, c'est un dieu ton héros ! Bon, nous allons rentrer et tenter de faire notre onguent avec les quelques plantes qu'il me reste... Tu restes avec moi ?

Quelle que soit sa réponse, je rentrerai ensuite au camp où je préparerai un peu d'onguent pour le soldat. En cours de route, je profite de l'argent du soldat pour soulager une personne ou deux - mais pas tout, ce serait malhonnête.

Une fois l'onguent préparé, je prends congé des soldats.

[Je peux continuer où il se passe quelque chose ?]

Apparemment, le sergent qui avait confié la bourse à la jeune fille s'était absenté et n'attendait pas après elle.
Les autres guerriers furent relativement polis avec la jeune femme, bien qu'aucun d'entre eux ne puissent communiquer avec elle dans sa langue. Ils lui firent comprendre tant bien que mal que la somme qui restait lui appartenait désormais, en récompense.

Le jeune Huli avait suivit Xiao Guang sans hésiter : il se trouvait désormais orphelin et la présence de la jeune femme semblait le rassurer.
L'évocation de son héros lui avait délié la langue, l'homme était parée de toutes les qualités et tenait plus du mythe que de l'être humain.

- Je suis sûr qu'on pourra le voir bientôt, si on fait semblant de faire la manche, ou..ou qu'on feint de n'avoir rien a manger !!! Tu crois que moi aussi je pourrais affronter les méchants pour prendre leur argent ?

Tout en préparent l'onguent, en puisant dans mes propres réserves personnelles, je fronce des sourcils :

- Il ne faut pas faire semblant des choses. Elles sont, ou elles ne sont pas - faire croire qu'elles sont autres qu'elles ne sont n'apportent jamais rien de bon...

Mon visage redevient lisse, et je souris :

- Cependant, je pense qu'on ira le rencontrer. Cela ne devrait pas être si difficile que cela...

La compagnie de Petit Renard m'apaisait, il était un peu bruyant mais il était facile de faire abstraction de ses babillages pour se concentrer quand il le fallait. Il était plein d'enthousiasme, plein de passions. Jamais je n'avais connu un être comme cela. Je savais qu'il viendrait un moment où il serait déçu et perdrait cette énergie positive, car l'enthousiasme et l'espoir mènent toujours à la déception et à la rancune - mais j'espérais que ce serait le plus tard possible...

Une fois l'onguent préparé, j'écris un petit texte recommandant d'en mettre le matin et le soir pendant quinze jours, à peine une goutte à chaque fois. Je laisse le tout à un garde au hasard et retourne dans la ville.

Je me tourne vers l'enfant :

- Bien, nous avons un peu d'argent - il faudrait que j'en garde pour renouveler mon stock d'herbe quand cela sera nécessaire - mais le reste m'est superflu. Il y a-t-il quelque chose que tu aimerais faire de cet argent ? Nous donnerons le reste à ceux qui en ont besoin plus que nous...

Le visage de l'enfant se renfrogna :

- Qui peut en avoir plus besoin que nous ? Mon père disait toujours qu'il ne fallait pas donner de l'argent au jean-foutre...Mais je ne sais pas ce que c'est un jean foutre. Il disait aussi "Quand tu as de l'aubaine, ne la laisse pas passer"...On pourrait acheter des pâtés de porc et des brochettes de jujube !

Les pas de l'enfant les avaient mené dans un des quartiers les plus sinistrés par le conflits, près de la porte Est...
Une femme faisait tristement cuire quelques pains à la vapeur dans un grand plat de bambou rond, agitant de temps à autre un éventail de paille sur les braises.
Les autres échoppes avaient été pillées ou incendiées et l'on tentait tant bien que mal de mettre de l'ordre dans ce chaos

- On dormait dans le coin avec mon père, près de l'écurie de l'auberge cassée là bas... Je ne viens pas d'ici. Mon père dit que je suis né à Tianjing, mais je sais même pas où c'est.
On était venu faire le spectacle habituel, ça marchait pas mal : on avait réussi à gagner trois ligatures de sapèque en un mois...De quoi manger tranquillement. Même à Kaifeng, on avait pas gagné autant. Pourtant, mon père disait que c'était notre ancienne capitale et qu'il y avait pleins de gens riches...Tu parles !

- Je crois hélas qu'ici il ne sera plus guère possible pour toi de travailler. Les gens n'ont pas l'air assez heureux pour vouloir donner le peu qu'il leur reste à des artistes. Et les soldats auront plus envie de te voir pend... euh... n'auront pas guère envie de voir tes acrobaties après ce que tu as fait à leur camarade...

Contemplant le triste tableau, je sens la morosité m'emporter. Tant de tristesse et de misère par vanité... Je m'approche de la vieille femme :

- Dîtes-moi, vos pains sont-ils à vendre ?

Prévenant la réaction de Xiao Hu Li, je me tourne vers lui et lui explique :

- Tu auras ton pâté de porc et tes brochettes. Ce n'est pas pour toi que je demande cela...

Puis je me retourne vers la vieille femme :

- La guerre semble avoir tout ravagé...

Ce quartier a l'air vraiment miséreux. Notre héros devrait souvent venir ici, s'il est aussi généreux que le dit Petit Renard. Mais je doute qu'on parle de lui à une étrangère... Il faut que je tente de la mettre en confiance d'abord... Je n'ai jamais eu à faire cela, au temple tout était plus simple, mais il me faut au moins essayer...

Le vieille femme continuait à faire bouillir les "man tou" avec un air misérable

- Aya..soupira t-elle ils sont à vendre mais auront un goût de chaux et de bois tellement la farine est mauvaise...Je vous vend le plateau pour une sapèque, jeune fille...Ces cochons de soldat ont pris ce qu'il me restait de farine de blé et ont pillé les silos...Allons nous encore devoir affronter une famine ? Je me fiche de savoir qui aura les rênes du pouvoir ici bas...Nous autres pauvres gens ne demandons qu'à nous nourrir chaque jour, qu'est ce qu'il nous importe qui fait la guerre à qui ? Et pourtant nous sommes les première victimes....

Je donne une sapèque, mais ne prend qu'un pain. Si je ne le trouve pas bon, je n'en marque aucun signe.

- Je comprends votre rancune. Mais comment pourrait-on remédier à tout cela ? Et n'en est-il pas de même pour les riches, dont les demeures font l'objet des convoitises des soldats ? Pour eux la chute est plus forte, car ils avaient l'habitude de l'abondance... Mais que vous ne puissiez manger à votre faim, cela est en effet régrettable. Où que j'aille, je ne trouve que pénurie et tristesse. Mais j'ai entendu parler d'une personne... Un certain Jin Lang Zi... En fait, il a volé un herboriste où je pouvais trouver des plantes. C'est ennuyeux, car qui pourrais-je soigner sans ces herbes ? Et seul quelqu'un d'expérimenté pourrait en avoir utilité... Bref, je trouverai un autre moyen de soulager la peine des malades. Mais Xiao Hu Li m'a dit que c'était un véritable héros, détroussant les soldats pour donner aux pauvres... Est-ce vrai ?

La vieil femme secoua la tête

- Un bon à rien ! Qui ne sait pas travailler honnêtement...Ha! On peut dire qu'il sait séduire les femmes ! Mais il ne nous apportera que des ennuis ! La garde voulait déjà lui tanner la peau des fesses avant l'arrivée des Jin...

Un vieil homme hilare sorti, courbé en fumant sa pipe

- Tais toi donc ! C'est un brave gamin...Pas comme ton corniaud de fils, qui se sait même pas faire cuire un beignet de sésame...

- Vieux clou ! C'est parce qu'il a tout pris de son père ! Il gagne sa vie honnêtement lui au moins...

- Hinnn...Etre honnête dans un monde malhonnête, est ce vraiment être honnête ? Ha !

Je réponds, mais mes paroles ne font qu'écho à mes pensées en construction :

- Est-ce vraiment honnête de voler certains ? Même si c'est pour donner aux autres... Quand le bien a été acquis sur le dos des autres, et malhonnêtement, n'est-il pas juste qu'il ne profite pas de son bien ?

Je secoue la tête, perdue.

- Peut-être, peut-être pas. Il faudrait connaître la personne pour juger de l'acte. Mais voyez : en volant un herboriste malhonnête, il m'empêche de soigner des gens dans le besoin. Qui les sauvera, eux ? Son acte a des conséquences néfastes pour ceux même qu'il dit vouloir aider... Alors, qui peut dire ce qui est juste et bien, et ce qui ne l'est pas ? Qui peut connaître toutes les conséquences du moindre acte ?

Le vieil homme se frotta la tête et éclata de rire

- Ho, j'ai dépassé l'âge de me lancer dans des débats avec des jeunes bonzesses..Le mal n'existe que parce que nous pensons bien faire, si nous nous contentions de vivre sans se poser de question en respectant la voie de la nature, les choses seraient plus simples...ho oui, bien plus simple...Enfin ! Enfin ! J'aime bien ce jeune homme voilà tout, il est un peu....extraverti, mais c'est un bon garçon...

Je souris à la réponse du vieil homme. Puis j'ajoute, comme innocemment :

- Et si je souhaitais le rencontrer, comment devrais-je faire ?

le vieil homme se posa tranquillement sur une chaise...

- Il faut demander à le voir pardi...S'il a prit quelque chose, c'est pour le redistribuer très vite.
Il doit y avoir quelqu'un qui a eu des problème pour payer l'apothicaire si ce que vous nous racontez est vraie. Il lui rendra sans doute visite très tard dans la soirée...

Je hausse un sourcil.

- Il faut le demander ? Mais à qui le demander ? Et qui connaissez-vous d'aussi malade ?

- Aya.... soupira le vieil homme ding dong ding dong...Vous parlez beaucoup trop ! Comme une cloche de bronze de moine !
J'ai vu la mère Pang pleurer en maudissant le marchand l'autre jour, parce qu'il refusait de lui vendre de la Racine de larme rouge pour son fils. Vous devriez aller y faire un tour, mais méfiez vous ! Il n'aime pas les curieux...

- Et aime bien trop les filles ajouta la vieille femme

Je rougis fortement.

- Oh, je suis désolée de vous importuner avec mes questions, mais je vous remercie de ces renseignements, je vais aller voir par là-bas. Je verrai en même temps si je peux être utile au malade...

Je rougis bien plus quand j'entends la remarque de la vieille femme, mais ne le prenant pas pour moi, je me contente de m'incliner en guise de salut et de partir. Je me tourne vers Petit Renard :

- Voici ce que je te propose : on va acheter ton repas, puis tu m'amènes chez la mère Pang, je suis sûre que tu sais de qui il s'agit... sinon on demandera. Puis nous attendrons ton héros. Cela te convient-il ? dis-je en souriant, me doutant fort bien que cela lui irait...

Xiao Hu Li accepta avec entrain la proposition de la jeune femme et ils arrivèrent au seuil de la maison de la famille Pang

- Et vous êtes sûr que cela suffira ? fit-une vois masculine entre deux gémissements d'enfants

- Ho oui oui ! Mon garçon est solide, Da Ge...Encore merci, merci...

La pièce comportait une natte sur lequel un enfant gras se tortillait de douleur, tandis qu'une femme épaisse d'une quarantaine d'années s'entretenait avec un homme habillé entièrement de noir, les cheveux retenu par une coque doré au dessus de sa tête.
Une épée droite, ciselé, pendait à son dos et il portait une sacoche très proche de celle qu'utilisent habituellement les médecins pour transporter leurs herbes...
A peine, la jeune femme eût regarder par l'entrée, qu'il se retourna en dégainant son épée à une vitesse ahurissante

- Qui va là ?