L'Art de la Guerre

Le voyage de Dali à Hangzhou, la capitale impériale, avait semblé une éternité à la jeune fille...
Les forêts paradisiaque de son enfance avait fait place à des vallées entières de rizières, le long du fleuve Yang Tzé.
L'embarcation l'avait en partie rendue malade et la hormis les grandes montagnes de Guilin, qui avaient inspirés les plus grand peintres, Lin Xiao Yu avait failli par trois fois mourir d'ennui.
Dans sa cabine de bois craquant, elle avait passé des journées entière à affiner ses connaissances sur l'Art de la Guerre, sous l'oeil admiratif de son vieux mentor, Fu Song.

L'arrivée à Hangzhou, fût, en revanche un véritable choc pour la jeune fille : des rues grouillantes de monde, des odeurs enivrantes , porteuses d'exotisme et de voyage lui avaient rapidement fait oublier les tracas du voyage.
Si Dali pouvait se vanter d'être une capitale raffinée, elle ne pouvait en aucun cas rivaliser avec la vitalité de Hangzhou.

Fu Song et son escorte se rendirent donc dans la demeure du général Pan, fidèle serviteur de l'empereur et grand ami du mentor...
Les deux hommes se témoignèrent leur respect sans retenu, et leur rencontre n'avait rien de formelle, tant les deux hommes semblaient s'entendre.
Des dizaines de petites serveuses apportaient régulièrement des boissons et de la nourriture aux convives, tandis que les affaires de Xiao Yu étaient transférées dans la partie du manoir réservée aux invités de marque. L'aile comportait un pavillon indépendant donnant sur le jardin fleuri avec goût par le maître de maison.
Pan témoigna ses hommages à Xiao Yu, mais semblait plus impatient de s'entretenir avec son vieil ami.

L'Art de la Guerre Jardin-chinois

Bien que ravie de tant de nouveauté, de tant de choses à découvrir et à ressentir, Xiao Yu n'en gardait pas moins l'esprit clair et l'œil aiguisé.
Lorsqu'elle fut introduite auprès du général Pan, elle prit bien soin de respecter d'abord les présentations d'usage. Elle présenta également les respects de son Maître Dai Bao, et, afin de bien souligner ses origines, insista sur l'honneur, qui rejaillirait sur sa famille, de rencontrer le général. Elle savait qu'on attendait poliment son départ, et elle-même avait fort envie d'explorer le palais et la ville, mais elle ne supportait pas l'idée d'être congédiée comme une enfant. Une enfant, c'est comme cela que la voyait le général, à n'en point douter.
Avec force sourires et politesses, elle se campa sur place, bien décidée à suivre le reste de la conversation.

"Nous avons entendu parler de l'horrible nouvelle concernant Jilin, Général ! Quelle tragédie ! Ces envahisseurs sont vraiment des sauvages ! Cependant, je dois dire que la ville n'aurait jamais dû tomber. La défense s'est révélée catastrophique, et les mercenaires mal commandés par deux généraux trop jeunes et présomptueux se sont, m'a-t-on dit, repliés dans le plus grand désordre. Cela ne serait pas arrivé si on leur avait enseigné comment se replier en bon ordre sans laisser les ennemis profiter trop bien de l'avantage. Quel dommage !"

Elle reprit son souffle, car elle avait parlé sans s'arrêter, de peur d'être interrompue par son mentor. Elle attendait, tendue comme un arc, de voir l'effet de sa tirade sur le général. Allait-il critiquer son impudence, ou se rendre compte de sa connaissance des faits ?

Pan éclata de rire à l'impertinence de la jeune fille.

- C'est l'agneau qui devise de comment manger le tigre, semble t-il ! Voilà encore où mène les enseignements du vieil entêté que siège à mes cotés...Je suis bien curieux, estimée Lin , comment vous auriez procédé avec les mêmes moyens que ces jeunes jouvenceau ?

Son oeil indiquait la table de Go, plantée sous le pavillon du centre du jardin où se trouvait les trois personnes...
Les pions noirs et blancs étaient mis de manière éparse, mais Pan les organisa de manière à former le siège tendu par l'armée Jin, des quatre cotés de la ville, représentée par le centre du jeu...

- Votre esprit si éclairé aurait peut-être quelques leçons à nous donner ?

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Sans se démonter le moins du monde, bien qu'elle soit fortement impressionnée, la jeune femme s'approcha du jeu et montra les portes de la ville.

"Ici, ici et ici, on poste les troupes régulières, celles qui sont entraînées à réagir efficacement aux ordres mais qui sont peu nombreuses. Ce sont celles qui vont déterminer les réactions au cœur de la bataille. En seconde ligne, les mercenaires, à qui on a enseigné 2 manœuvres essentiels seulement : le mur de bouclier, et la retraite en ligne de bataille ordonnée. Qu'ils combattent avec style et en rangs n'est pas l'essentiel. Ils doivent simplement pouvoir contenir les troupes ennemies le temps que la première ligne se replie.
Derrière eux, on aura construit des barricades de fortune derrière lesquelles on placera des archers. Puisque les archers ne peuvent pas intervenir pendant qu'on combat devant les portes, de peur de blesser les troupes, ils n'interviennent que lors des replis : une fois que la seconde ligne a formé le mur et se replie lentement, ils tirent à plein régime sur les assaillants, jusqu'à ce qu'ils reculent assez pour être à la merci des soldats positionnés sur les murailles, qui n'ont alors plus qu'à finir le travail en lançant de lourdes pierres sur les ennemis qui se replient. Les archers cessent alors de tirer, et les mercenaires de réserve se lancent dans une charge brutale et indisciplinée, qui doit simplement occuper l'ennemi pendant qu'on évacue les blessés. Une fois la place nettoyée, dans ces circonstances, une seule solution pour reprendre les portes. Je sais que ça ne se fait pas, d'habitude, parce que les sièges ne s'y prêtent guère, mais une fois le terrain préparé comme je l'ai dit, la meilleure façon de balayer l'ennemi en déroute est de prévoir une double charge de cavalerie. On aura d'abord caché sur les flancs de la porte, en retrait, hors de vue, une aile de cavalerie de chaque côté. Au signal, elles chargeront et prendront en étau les assaillants qui se croyaient victorieux.
Ensuite, on obtient le répit nécessaire pour consolider les portes, et réduire à néant tous les efforts de l'ennemi."

Elle avait tout montré sur le "plan" improvisé, déplaçant les pions au fur et à mesure.

"On procède ainsi pour chaque porte, car l'avantage de cette technique est qu'elle demande peu d'hommes à chaque fois : une rangée de combattants aguerris, une de mercenaire, et quelques archers dissimulés derrière la barricade. Quant à la cavalerie, il n'en faut en réalité que peu, puisqu'une même aile peut attendre à mi-chemin de deux portes, prête à intervenir là où elle entendra le signal. Quant aux hommes sur les remparts qui jettent des rocs, ils n'ont pas besoin d'être expérimentés, et peuvent être recrutés parmi les civils volontaires."

Sachant sa démonstration satisfaisante, elle croisa les bras sur sa poitrine et attendit la réaction du général. Elle savait qu'il était trop tard pour sauver la ville de cette façon, et que c'était à sa reprise qu'il fallait se consacrer. Mais on lui avait demandé une démonstration théorique, et elle l'avait faite.

[HRP : bien sûr, je n'y connais pas grand chose en stratégie militaire de l'époque, donc c'est peut-être farfelu, mais je suppose que la demoiselle, qui a étudié la question, sait de quoi elle parle, elle ! Wink

Pan se pencha sur le Go ban d'un air amusé au début, puis intrigué, avant de se piquer au jeu.
En militaire passionné, il avait complètement oublié qu'il parlait à une jeune fille pour placer à son tour les pions sur le terrain

- Mais l'essentiel des armées Jin est composé de cavalerie et nos troupes sont inférieures sur cette discipline, de même qu'en tir à l'arc.
Notre véritable avantage reste les fortifications...Pourtant...

Xiao Yu pouvait voir le doute dans les yeux de Pan. Ses techniques étaient essentiellement traditionnelles et manquait cruellement d'originalité.

- L'ennemi serait-il assez bête pour tomber dans ce piège ? Et il serait indispensable de former une petite troupe, restreinte mais compétente pour ce genre d'opération.

Fu éclata de rire devant le trouble de son ami et cachait à peine sa fierté en observant l'aplomb de son élève. Il poussa les pions d'une manière légèrement différente

- Enfermer le cheval dans un enclos doré. Une fois la ville vide, il est possible de laisser quelques guerriers sur place. Les chevaux en ville sont inefficaces : un plaçant les archers sur les remparts, ou embusqués en hauteur, ils seront hors d'atteinte et incapable de se remplier. Ils fuiront en désordre et seront balayé par le restant des troupes positionnés à chaque porte.
Une version dépoussiérée de "Perdre la passe en un jour pour récupérer la frontière en deux". Tu vieillis, mon ami...

Ce fût au tour de Pan de rire à son tour... Il leva le visage vers la jeune fille, avec un grand sourire

- Un tigre dissimulé dans le corps d'un agneau ! Quel dommage que les prétendus généraux n'est pas votre malice...Notre armée est grande mais désordonnées. Ses méthodes n'ont pas changé depuis les Han et l'adversaire a appris à s'adapter.
Autrefois, il leur était impossible de prendre les villes. Maintenant, ils parviennent même à les tenir. Jilin était extrêmement bien protégée, nous aurons toutes les peines du monde à la récupérer.

Encouragée par la réaction du général, la jeune femme décida de pousser sa chance.

"Surprendre l'ennemi, c'est souvent la clé d'une victoire inespérée. Parfois, il suffit d'un caillou pour déclencher une avalanche. Je sais que la ville est bien fortifiée, mais les Song l'ont fortifiée, donc les Song la connaissent assez pour y trouver une faiblesse, ne croyez-vous pas ? J'aimerais beaucoup étudier un plan de ces fortifications. Parfois, un regard neuf peut découvrir des trésors là où l'habitué ne voyait que du métal terni !"

Elle sourit, l'air malicieux. Elle s'amusait beaucoup ! Enfin, après tout cet ennui, quelque chose d'intéressant !

Pan caressa sa barbe grisonnante, en proie à la réflexion...

- Hé bien...Les plans se trouvent certainement dans la bibliothèque impériale, mais...Il me faudrait une raison valable d'y entrer, je suis plutôt en froid avec la cour actuellement. Je me suis opposé à certains traîne-savate et je n'ai plus odeur de sainteté là bas.
C'est la raison pour laquelle il me laisse d'ailleurs à Hangzhou.
Mais ils devront bientôt se rendre à l'évidence : les officiers aux frontières sont mauvais et beaucoup de jeunes talents restent coincés ici pour des raisons de cours.
Comprenez qu'un vieil incapable comme moi ne puisse sans raison valable accompagner une jeune fille dans le palais sans excuse officielle....

Xiao Yu ne savait pas trop s'il s'agissait d'un appel l'invitant à trouver une excuse officielle, ou simplement d'une triste constatation. Elle était déçue, mais refusait de s'avouer vaincue pour autant. Ignorant tout des intrigues de cour, elle se trouvait démunie face à ce problème. Pour l'instant. Aucun casse-tête n'était insoluble.

"Je comprends, Général. La cour a ses caprices, et ne sait pas toujours reconnaître immédiatement la valeur des gens. Qui sait ? Peut-être trouverons-nous une excuse acceptable en combinant nos efforts ? En attendant, je vous remercie de votre généreuse hospitalité."

Ennuyé par ce nouveau problème, le général pris congé de la jeune fille, visiblement en proie à plusieurs questions.
Fu Song lui, se retira dans ses appartements, laissant la jeune fille seule dans le jardin.

- Fais un tour à Hangzhou si tu veux, il y a énormément à faire dans cette ville et tu n'y retourneras pas tous les jours.
Si tu passes par le quartier des artistes, fait bien attention à tes moyens de paiement et ne parle pas à n'importe qui.
Tu iras faire brûler pour moi quelques bâtons d'encens au temple de Tian Guo, près du lac de l'Ouest, au centre de la ville.
Pour le reste, fais ce que tu veux.

Après un rapide aperçu du jardin, la jeune femme décida de laisser dans sa chambre une partie de son argent, et d'aller faire le tour de la ville, pour découvrir ses secrets. Il y avait tant à apprendre, ici ! C'était une merveilleuse opportunité. Dai Bao avait bien fait de l'envoyer utiliser ici ses talents.

Enveloppée dans son manteau de voyage, ses poignards dissimulés aux regards dans les plis de ses manches, elle partit d'un bon pas vers la ville, observant attentivement tout ce qu'elle rencontrait. Elle voulait d'abord se rendre au temple de Tian Guo, afin de satisfaire aux exigences de son mentor, puis explorer sans trop s'éloigner. Elle demanda donc son chemin vers le temple.

Le temple de Tian Gou était légèrement à l'extérieur du centre ville, juchés sur une petite colline boisée au bord du lac de l'Ouest...
La chaleur estivale et l'humidité de la région formaient une brume étouffante en cet chaude après-midi d'été.
Pas un souffle de vent ne chassait cette moituer et les petites clochettes qui jonchaient le chemin qui menait au temple n'émettaient aucun son : à quelques pas pourtant, à proximité du temple dont Xiao Yu començait à entrevoir le toit, on pouvait entendre le son d'un Erhu, le violon à deux cordes...

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Intriguée, la jeune femme s'approcha du temple, et en examina attentivement l'architecture. Comme c'était beau ! Et si bien situé ! Un délice. Et cette musique, qu'était-ce donc ? Xiao Yu s'approcha pour mieux comprendre.

"Bonjour ?"

Cela faisait cinq ans que Fēng n'avais pas mis les pieds dans une ville, la capitale semblait immense. Grouillante de vie, d'odeurs et de sons qui se mélangeaient pour créer un tourbillons de sensations à la limite de l'agression. Il décida de se diriger vers un endroits plus calme. Il demanda à un marchands la direction du temple le plus proche.

Après avoir acheté de quoi se restaurer, il se dirigea, sur les conseils du commerçant, vers le temples de Tian Gou.

Arrivé au temple il entendit le malheureux son d'un Erhu qui, semble t'il, n'avait pas été accordé depuis longtemps. Un jeune moine essayait d'en jouer. Pousser par son instinct et surtout par ses oreilles, il s'approcha du garçons et lui dis:

« Tu devrais l'accorder, sinon … »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que le petit moine avait détallé dans les méandres du temple. Fēng ramassa le violon, s'assit et il entreprit de l'accorder.

Après quelques minutes, il trouva que le son était correct et commença à jouer. Une petite mélodie, en harmonie avec le calme du lieux, simple, invitant à la méditation. Il avait fermer les yeux et ne jouait que pour lui.

Alors il entendit:

« Bonjour ? »

Surpris, il ouvrit rapidement les yeux et cessa de jouer. Le musicien inspecta les alentours. Il ne voyait rien lorsque à travers les bambous, il aperçu du tissu rouge. Fēng dis alors:

« Bonjour à vous, demoiselle. Que voulez vous? »

Intriguée, la jeune femme s'approcha encore, et observa l'inconnu.

"Je viens brûler de l'encens au temple. Je vous ai entendu jouer. C'est joli. Mais vous n'avez pas l'air d'un moine.[/i]

Elle semblait méfiante, ou plutôt prudente, mais pas hostile. Plutôt curieuse.

Une belle jeune femme s'avança alors un peu, restant à une distance respectable du musicien. Elle semblait prudente.

Après avoir rapidement examiné l'inconnue et écouter ce qu'elle avait à dire, il lui répondit:

« Pourtant, je leurs suis similaire en bien des points. »

Il ramena l'instrument près de lui et rajouta avec un petit sourire:

« Ça doit être ma coupe de cheveux qui m'a trahi. »

Il posa son regard sur les yeux de la jeune femme, enfin autant qu'il put les voir et en tapotant sur le manche de son instruments il lui demanda:

« Pourquoi ne viendrez vous pas vous assoir? Je pourrais jouer quelques chose pour vous »

Il apposa ses doigts sur les cordes tout en incitant d'un regard la jeune femme à venir.

Etait-il en train de lui faire la cour ? La jeune femme haussa un sourcil. On lui avait un jour dit qu'elle était très belle. Mais qu'on puisse la prendre pour une courtisane, ou pour une femme de petite vertu, cela l'étonnait beaucoup. Peut-être était-ce plus innocent ? Peut-être était-il juste amical ?

"Ça aurait été avec joie, mais j'ai mille choses à faire. J'aimerais tout d'abord aller faire mon devoir dans le temple, si vous permettez."

Elle s'aperçut que son ton était glacial. Elle ne l'avait pas fait exprès... pour adoucir ses propos, elle esquissa un sourire poli. Puis, passant son chemin, elle pénétra dans le temple pour exécuter la volonté de son mentor.

Dans la large cour du temple, à coté de l'arbre probablement centenaire, un moinillon balayait les feuilles d'un air passablement ennuyé.
Les prières bourdonnaient aux alentours, dans les grands pavillons des hauteurs, où les laïcs ne pouvaient pénétrer.
La forêt semblait avoir complètement envahi les marches qui conduisait au petit bâtiment qui abritait le Bouddha que Fu Song avait demandé à la jeune fille de louer. Bien qu'originaire d'une famille fondamentalement taoïste, Xiao Yu connaissait suffisament le bouddhisme omniprésent à Dali pour accomplir correctement le rituel : il ne suffisait après tout que de piquer quelques bâtons dans un brûle-encens et d'y déposer le voeux que le vieil homme avait écrit sur un ruban de papier.

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A mesure qu'elle progressait, XIao Yu avait la fâcheuse impression que quelque chose troublait la quiétude de l'endroit, comme si quelqu'un la suivait du regard.

Elle refusa de se laisser déconcentrer, et acheva le rituel. Elle s'appliquait toujours à faire correctement ce qu'on lui avait demandé. Sinon, autant ne pas le faire du tout. Quand elle eut fini, elle s'accorda du temps pour observer les lieux, et tenter de comprendre l'origine de son malaise. Etait-ce dû au moine qui montrait si peu d'entrain dans sa tâche ? A quelqu'un d'autre ? Elle en profita pour étudier l'architecture des lieux, profitant de chaque nouveauté pour enrichir ses connaissances.

Tendant l'oreille, la jeune fille pu entendre une vieille mélodie paillarde résonner en hauteur, probablement sur les toits...
Xiao Yu reconnaissait l'air et avait appris quelques paroles lorsqu'elle était enfant, avant que sa nourrice ne lui passe un savon et chasse le conteur ivre qui demandait la pièce devant le manoir Lin....

Une jolie fille sur le canal du Grand Lac
Je verse une rasade dans ma bouche
En espérant, en espérant
Que ma gourde lui plaise...

A n'en pas douter, quelqu'un prenait des libertés avec les principes du bouddhismes dans ce lieu d'austérité...

Peu concernée par le bouddhisme, la jeune femme réprima un sourire. Tout de même, quelle impertinence ! Cela ne se faisait pas ! La religion était un pilier de la culture, il ne fallait pas s'en moquer de la sorte ! Elle se composa un visage sévère malgré son envie de rire. Comment les moines pouvaient-ils laisser faire cela ? Elle s'étonnait qu'ils permettent un tel sacrilège. Elle parcourut la cour du temple en essayant de voir qui se permettait cela.
Elle héla le moine au balai :

"Excusez-moi, est-ce normal, tout ce raffut ?"

Elle faisait semblant d'être furieuse, comme il seyait à son rang, mais elle était surtout intriguée.

Le moinillon haussa les épaules et indiqua du regard le pavillon principal de la cour, où siégeait l'une des plus importantes représentation du Bouddha Amida : une colossal statue de 4 mètres de haut, entièrement en ivoire...

Ho ! Amie Ho ! Amie
Veux tu boire, veux tu boire ?
Ho ! Amie Ho Amie !
Veux tu avec moi partager ma gourdeuuu !

Une silhouette en orange, probablement un moine, tituba sur le toit, et, se prenant les pieds dans une des décorations du temple, roula en bas, dans un raffût épouvantable...
Au moment où il allait passer par la ballustrade et chuter lourdement sur le sol, il tendit la main avec une rapidité fulgurante et se raccrocha au bord du toit, pour se laisser tomber en bas... Il ne se rattrapa pas sur ses pieds et s'étala au sol dans un grand bruit.

Le moinillon leva les yeux au ciel de dépit et continua à balayer.

Retenant un éclat de rire, la jeune fille ne put empêcher ses yeux de pétiller d'amusement, mais elle conserva des traits sévères. Elle s'approcha du moine ivre, mais pas trop près, de peur qu'il ne prenne cela pour une invitation.

"Mon maître sera bien déçu de voir dans quel état se trouve le temple où il m'a envoyé déposer ses prières. Cela n'arriverait jamais par chez moi !"

Son ton était glacial, et elle était fière de ne pas avoir laissé sa voix trahir son hilarité. Mais elle ne tiendrait pas longtemps ! Aussi tourna-t-elle les talons pour se diriger vers la sortie.

- Gné ? Je rentre un co...communion...avec le Bou...Le Budu...Lui ! C'est lui, qui m'a invité à boire, heups...
Vu ozé suiller la pureté de m...ma prière..par vos co...commentaires pleins de méprrris...
Ha ha !

Du sol, le moine bondit d'un seul saut sur ses pieds, avec une étonnante rapidité...
Il marcha en crabe quelque temps et sourit béatement à la jeune fille, l'haleine complètement avinée...

- Mai...Mais...Je vous pardon...ne car mon âme ne connaî...pas la haine

Le moinillon saisit le moine par la manche

- Maître Bao Zui, rentrez s'il vous plaît...Vous savez bien comment réagit le supérieur lorsque...

Marchant à reculons, le moine se prit les pieds dans un petit siège de pierre et renversa le tas de feuille du moinillon

- Ha ! On m'assassine ! P...etit...moine...T...t...tu veux ma mort ? J...Jeune fille ! J...Je peux...ti...bûrler pur vous et votre maître Song, un cierge très zpécial ! Mais...hip...il faudra me contenter en...liquide spiritueux...heu...spirituel !continua la voix à travers les feuilles

Soudain méfiante, et beaucoup moins amusée, la jeune fille fronça les sourcils et recula d'un pas.

"Comment connaissez-vous mon mentor ?" demanda-t-elle d'un ton suspicieux.

"Est-ce que je vous connais ?"

Puis elle se dit que peut-être il ne faisait que rebondir sur ses propos à elle, et elle s'adoucit.

"Je dois partir. Bouddha vous protège !"

Le moine feignit de s'endormir avec force ronflements au moment où la jeune fille prit la parole...
Le moinillon prit un air désolé

- Je suis désolé, noble dame...Notre maître Bao Zui est un peu fantasque. Mais c'est un homme bon...

- Et...et...savant ! Hips articula le tas de feuille avant d'émettre à nouveau de ronflements...

Le savoir du moine sur les liens qui l'unissait à Song Fu était curieux, surtout que le vieil homme n'avait pas mis les pieds à Hangzhou depuis au moins cinq ans.
Peut-être fallait-il redoubler de méfiance.