L'Art de la Guerre

Fēng avait repris la mélodie qu'il jouait avant d'être, très agréablement, interrompu par une belle jeune femme. Après quelques minutes, le musicien décida qu'il était temps de rendre ce Erhu à son propriétaire.

Il entra dans le temple et déambula un peu en cherchant un moine quand il entendit des voix. Fēng reconnu celle de la demoiselle qu'il avait croisée un peu plus tôt. Il approcha dioscrètement et observa la scène. Elle était avec un vieux moine, dont il reconnu immédiatement le nom lorsqu'il fut prononcer par le jeune garçon. C'est lui que son maître disait vouloir rencontrer, il y a cinq ans.

Voyant que la jeune femme partait, il voulut sortir de sa cachette mais glissa et s'écroula lamentablement devant elle. Il réussit quand même à pivoter pour sauver le erhu de la casse.

Toujours à terre, il dis:

"Tiens une connaissance. Excusez moi pour ma posture mais j'ai eu un petit problème. Savez-vous où je pourrais trouver Maître Bao Zui? D'après mon maître, il est assez vieux et aime bien l'alccol."

Il resta allongé là, à fixer les yeux de la jeune inconnu.

Interloquée, la jeune femme resta un instant sans voix. Quelle impertinence ! Puis, elle s'aperçut que le nom prononcé par l'inconnu était celui du moine qui l'avait tant inquiétée par ses connaissances un peu trop vastes. Décidément, toute cette affaire était bien compliquée. Elle hocha gracieusement la tête, et indiqua du doigt le tas de feuilles mortes ronflant.

"J'ai cru comprendre que cet individu déplaisant était l'homme que vous cherchiez. Le connaissez-vous ? Il m'a semblé être un ivrogne mal élevé et puant. Je ne comprends pas comment il peut se faire appeler "maître" avec un tel manque de dignité."

Elle avait conscience que son ton était affreusement condescendant, et trouvait cela très déplaisant. Mais elle n'y pouvait rien, c'était ainsi que les mots sortaient, sans qu'elle le fasse exprès. Les gens d'ici avaient décidément une influence détestable sur son humeur. Elle n'eut soudain plus très envie de gambader à travers la ville.

Il se releva rapidement, fit face à la jeune inconnue et en tapotant la cicatrice qui traversait son œil droit il dit:

" Ne jamais sous-estimé quelqu'un ou cela pourrait vous coûter bien plus cher qu'à moi. "

Le musicien avait dit ça sur un ton assez grave mais prestement il sourit, joignit ses mains pour un salut et parla:

"  Mais... je ne me suis pas présenté. Je me nomme Fēng Yuè Shī, musicien itinérant. À votre service."

Il se redressa et il reconnu le jeune moine non loin de lui. Il secoua le erhu et l'envoya dans les bras du jeune garçon.

" Tiens, c'est à toi, je crois. Je l'ai accordé. Prends en soin c'est un bon instrument. "

Fēng s'inclina et s'excusa:

" Je vous prie de bien vouloir m'excusez, je reviens "

Il alla alors vers le tas de feuille, attrapa le vieux moins et en le relevant il lui dit:

" Salutations Maître, je pense que Maître Shui Ji vous a rendu visite. Je reconnais, bien là, l'odeur de son acool fait maison. "

Le jeune homme passa le relais au petit moine et se retouna vers la jeune femme.

Xiao Yu commençait à trouver les gens un peu trop impertinents par ici. Elle n'avait pas l'habitude que quelqu'un d'autre qu'elle se montre aussi effronté. Cela l'amusa, mais elle se garda bien de le montrer. Elle fronça les sourcils.

"Je vais vous laisser en si bonne compagnie, alors. Je n'apprécie pas qu'on me traite avec condescendance. Sur ce, amusez-vous bien. "

Avec la curieuse impression que tout le monde en savait plus qu'elle, elle se sentit soudain mal à l'aise, et reprit son chemin vers la sortie du temple, maintenant qu'il n'y avait plus personne vautré en travers du passage.
Quel endroit étrange.

- Ho Ho ! Le pas de l'anguille de la famille Lin ! siffla admiratif le vieux moine assis sur le sol, des feuilles sur la tête une bonne solution pour éviter les garçons les plus collants. ajouta t-il en tournant un regard moqueur vers Yue Shi....
On dirait que tu as perdu ta crevette mon garçon !!!

Il sourit et rangea sa flûte. Le musicien se tourna vers le moine et dis:

« Peut être mais je ne comptais pas la retenir, elle n'avait pas l'air de vouloir rester. »

Il se frotta l'épaule et rajouta:

« Maintenant je sais d'où elle vient... mais passons. Je cherche un travail et d'après mon maître vous connaissez bon nombre de gens. »

Le moine pointa sa gourde vers sa bouche ouverte, mais seule trois gouttes en sortirent.
Furieux, il la projeta vers la tête de Feng Yue Shi en hurlant

- Porte-poisse ! En voilà du travail...Vas me chercher une gourde pleine ! De celui que ton prof aime à vider en douce dans les tonneaux de l'empereur !Si ça ne t'intéresse pas, va voir chez le général Pan de ma part...Mais pas un mot ! Il cherchait des renards de ton espace pour quelque chose de délicat...

Feng reçu la gourde vide en pleine tête, il la rattrapa de justesse avant qu'elle ne tombe. Il attrapa le bouchon tomber par terre et la reboucha. Le musicien l'attacha à sa ceinture et en saluant le vieux maître, il le remercia:

« Merci Maître, je vous rapporterais votre gourde pleine. »

Il se dirigea vers la sortie et parti pour la maison du général. Il n'était venu qu'une fois en ville mais il se rappel qu'en passant devant son maître lui avait montrer cette maison. Par contre sa mémoire était un peu flou mais une grande maison comme celle là devait être plus simple à trouver.

Lin rentra sans difficulté à la maison de Pan en demandant son chemin à deux porteurs de palanquins qui la conduisirent à bon port...Le vieux Song méditait tranquillement, une pipe de bambou à la main, un rouleau de papier dans l'autre, étudiant le Classique des Odes confucéens...Apercevant la jeune fille, il lui sourit et lui demanda

- Alors ? Hangzhou ? Tu as été flâner près du lac ?

La jeune fille avait eu le temps de retrouver son calme. Elle avait organisé ses pensées. Elle put donc s'adresser de manière cohérente à son mentor. Elle s'agenouilla à ses côtés, et entama son récit.

"Maître, le temple où vous m'avez envoyé, il s'y passe des choses étranges ! D'abord, il est très mal entretenu. Mais j'ai fait ce que vous m'aviez demandé.
Et puis j'ai été ennuyée par un vieux moine ivre, qui se fait appeler "maître" Bao Zui. Je ne lui ai rien dit sur mon identité, et pourtant, il m'a tout de suite parlé de vous, comme s'il savait qui j'étais et qui vous étiez aussi. Il était assez malpoli, et il n'avait pas l'air très sympathique.

Et surtout, on a essayé de me faire du mal, ou de me faire peur, je ne sais pas trop. Un homme étrange qui jouait de la musique et qui connaissait le vieux moine. Il a dit s'appeler Fēng Yuè Shī, et il a mentionné un maître Shui Ji. Il a dit qu'il était musicien itinérant, mais quand j'ai voulu partir, il a fait quelque chose... je n'ai pas compris comment, mais il a fait bouger la statue de Bouddha, et elle a essayé de m'écraser ! Heureusement que je n'ai rien oublié de l'enseignement de ma famille. J'ai pu m'échapper.

Je crois qu'il se passe des choses étranges dans cette cité, Maître."

Elle avait l'air un peu inquiète, et surtout déboussolée.

Song posa sa pipe pour agiter son éventail avec un sourire....

- Ha! Toi qui est originaire d'une famille de renom dans le Jiang Hu, tu devrais savoir que certains petits plaisantins aiment se servir de leur Neigong pour faire n'importe quoi...Es tu sûre d'avoir vu cette statue bouger ? Ou as tu cru la voir se mouvoir ? De mémoire je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un assez puissant pour faire ce genre de prouesse...

Hangzhou est pleine de personnalité fantasques. Bao Zui en fait partie, mais c'est un homme plein de ressource et tout ce qu'il y a de plus honnête. Je pense qu'il t'a ennuyé pour me punir de ne pas m'être déplacé en personne pour le voir moi-même....
Il a du répondre à l'appel que Pan a lancé. Nous cherchons quelqu'un de suffisamment malin pour nous procurer les cartes de Jilin, tandis que Pan tente de mettre à disposition une armée de recouvrement.
La cour est bien trop paralysée par les conflits internes, si nous n'agissons pas maintenant, nous seront bientôt submergés par les Jin, mais ces idiots ne s'en rendent pas compte.

La jeune femme écouta attentivement son maître. Tout s'éclairait concernant le moine. Mais l'inconnu ?

"Je ne sais pas, maître. J'avoue que je n'ai pas pris le temps de vérifier si la statue énorme qui abattait son poing vers moi était solide, ou si elle n'était que fumée. Dans le doute, je préférais ne pas attendre de voir ce qui se passerait si elle était réelle.

Je comprends maintenant pourquoi Bao Zui s'est montré déplaisant avec moi... mais je ne comprends pas pourquoi cet inconnu a tenté de me nuire, ou de m'effrayer. Je ne lui ai pas fait de mal, et je ne le connaissais pas. Lui non plus n'avait pas l'air de me connaître, bien qu'il se soit montré insistant."

Elle fit une pause, perplexe.

"J'espère que nous pourrons obtenir les cartes de la ville, Maître : je suis sûre que je pourrais trouver un moyen de la reprendre, si on me laissait une chance. J'ai peur que, si nous la leur laissons, les Jin s'en serve comme d'un avant poste pour conquérir le reste du pays."

Toute son attention était tournée vers son mentor.

"Puis-je faire quelque chose pour aider, Maître ? Je me sens si impuissante, pour l'instant ! C'est tout à fait frustrant !"

On sentait dans son comportement un grand respect et une grande soif d'apprendre. Elle était suspendue aux lèvres du vieux maître, espérant un indice, un conseil, ou un espoir.

Une des servantes ouvrit la porte au mendiant et son visage se fendit d'une grimace de dégoût...

- Psch psch ! Fiches le camp ! Le général Pan a des invités de marques, il n'est pas temps de recevoir des traîne-savates !

Pourtant derrière la jeune servante résonnait une voix désormais bien familière au vagabond.


Sous le jujubier, Song agita tristement son éventail

- C'est fort possible...Faut-il avoir le regard bouché pour ne pas s'en apercevoir !
Nous ne sommes malheureusement pas à Dali, Xiao Yu, et notre influence est mince ici...Si nous pouvions mettre la main sur ces fichues cartes, nous pourrions arriver avec un plan déjà prêt à proposer à l'état major...
Le vieux Pan a des contacts dans le Gai Bang, la guilde des mendiants : la plupart d'entre eux sont de féroces patriotes, mais ils sont difficilement prévisibles. Si nous parvenions à les convaincre de suivre notre projet...

Feng mit la main sur la porte pour éviter que la servante ne la referme, il dit à voix haute:

« Le général prendras surement le temps de recevoir un homme qui viens de la part de Maître Bao Zui. »

Il sourit et rajouta:

"Je vous prie de bien vouloir, au moins, le prévenir de ma présence, je me nomme Feng Yue Shi, musicien itinérant. "

La jeune femme hocha la tête, dubitative. Etait-il possible qu'ils soient si impuissants, si dépendants du bon vouloir des autres ? C'était très déplaisant. Il devait bien y avoir un moyen ! Elle soupira.

"Je comprends, Maître. Espérons qu'on réponde à nos prières, et que quelqu'un accepte de nous aider à obtenir ces documents. En attendant, j'aimerais beaucoup en savoir plus sur la façon dont les armées du Jin sont organisées, et se battent. Croyez-vous que nous pourrions trouver quelqu'un qui accepterait de m'en parler ? "

La voix du seigneur Pan résonna dans la cour alors qu'il demanda à la servante de laisser passer le vagabond

- Laisse le entrer Xiao Jing, nous avons un ami commun...Va plutôt lui servir de quoi manger.

Invitant le jeune homme a rentrer, il lui montra la table de ses hôtes...

- Je suppose que si Maître Bao vous envoie, c'est pour une raison, mon jeune ami...Voici deux invités de marque : Song Fu de Dali et Lin Guniang, du clan Lin. Je suppose que vous êtes porteur d'un message de la part de notre amis commun ?

Une surprise choquée se peignit sur le visage de la jeune femme.
"Vous ?!?

Alarmée, elle se leva d'un bond, se tourna vers son mentor, et d'un ton pressant, lui dit :
"C'est lui, Maître ! C'est l'homme qui a fait ce tour avec le Bouddha de pierre au temple !"

Elle recula de quelques pas, sans quitter des yeux l'arrivant.

Feng salua le général ainsi que ses invités. Il reconnu la jeune femme qu'il avait rencontré au temple. Il s'excusa en s'inclinant :

« Excusez moi, pour le petit tour que je vous ai jouer tout à l'heure mais il ne venait qu'appuyer le petit conseil que je vous avait donné avant. »

Il se redressa en souriant et en se tournant vers le général il lui dit:

« Je suis, pour ainsi dire, le message. Je cherchais du travail et notre ami m'a donner deux propositions. La première était d'aller faire comme mon maître et remplir cette gourde au tonneaux de l'empereur et la seconde je viens en prendre connaissance auprès de vous. »

Il s'éclaircit la gorge et dis sur le même ton que Maître Bao Zui:

« En voilà du travail...Vas me chercher une gourde pleine ! De celui que ton prof aime à vider en douce dans les tonneaux de l'empereur !Si ça ne t'intéresse pas, va voir chez le général Pan de ma part...Mais pas un mot ! Il cherchait des renards de ton espèce pour quelque chose de délicat... »

La jeune femme s'empourpra. D'un ton blessé, elle dit :

"Vous ! Vous avez tenté de m'empêcher de quitter ce temple ! Vous avez été d'une impolitesse incroyable, d'un mépris terrifiant, d'une condescendance à pleurer, et vous OSEZ me donner des conseils ?

Rustre !"

Furieuse, elle se tourna vers leur hôte, et, d'un ton plus mesuré, lui dit en s'inclinant :

"Pardonnez mon comportement, Général. Mais ce grossier individu m'a importunée de manière violente. Je ne puis supporter de le voir se comporter avec moi comme s'il était un enfant de 5 ans qui vient de faire une bonne farce. C'est indigne d'un adulte responsable, et encore plus lorsqu'il vient demander qu'on lui confie un travail 'délicat' ! "