Chronique numéro 1 : La forêt des Esprits (Cycle de la Terre)

Suite à un signe d'un pisteur, Yin Qiu s'approcha, faisant signe à Dame Bai Zhu de le suivre.
"Charmant, n'est-ce pas ?" ricana-t-il mais à mi-voix, un sourire torve défigurant son beau visage. "Je suppose que ce n'est pas l'un de vos hommes qui a fait ça ? J'ai souvenance d'habile lanceurs de poignards, mais cette grotesque mise en scène n'est pas leur œuvre, je suppose : elle ne sert qu'à effrayer les curieux. Et aucun chasseur ne gaspillerait une proie ainsi. Il y a bien quelque-chose dans cette forêt, et ça ne veut pas être déranger."

Légèrement plus fort, bien que l'ambiance prêta aux chuchotements terrifiés, il continua pour le bénéfice des pisteurs.
"Et cela nous prouve que nos mystérieux fantômes sont bels et bien des humains." affirma l'eunuque. "Quel esprit, quel fantôme aurait besoin de pareille mise en scène ?"

S'approchant de la carcasse peu ragoutante, Yin Qiu arracha un des dards, en prenant soin de la saisir à travers l'un de ses manches. Autant pour ne pas se salir au contacte de la charogne que par prudence.
"Dame Bai Zhu, Dame Xiao Guang*, à votre avis, ces dards sont-ils empoisonnés ?" s'enquit-il en examinant les lames. "C'est ce que j'utiliserais, moi, si je devais être certain de tuer à coup sûr quiconque pénétrerait dans cette forêt. Et si j'étais un monstre, bien sûr..."


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* : je me rappelle plus si la guérisseuse c'est présentée. Cela parait logique qu'elle l'ai fait vu son exquise politesse, alors je fais comme-ci...
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La manche de Bai Zhu claqua dans l'air comme un fouet au moment où Yin Qiu se préparait à saisir les petits dards, s'enroulant vivement autours du poignet de celui-ci pour l'empêcher de saisir la pointe de métal...
L'un des chasseurs s'accroupit près de la carcasse et écarta quelques feuilles au pied de la dépouille

- C'est piégé... fit-il gravement... et l'odeur est étrange...

- L'idée se précise fit Bai Zhu en relaxant le poignet de l'eunuque Les fantômes ne tendent pas de pièges...surtout aussi...grossiers termina t-elle amusé en lorgnant du coté de Yin Qiu

La couleur du sang et l'odeur nauséabonde du cadavre renseigna immédiatement Xiao Guang sur la nature de ces flèches : elle était imbibée de Sève des Sources Jaunes, un poison extrêmement virulent, composé par les membres d'un temple dont elle avait oublié le nom...Ce poison était d'autant plus redouté qu'on ne lui connaissait aucun antidote à l'heure actuelle

[Est-ce que je connais les effets exacts de cette drogue - les premiers symptômes, sa rapidité, etc. ?]

Les larmes mouillent les yeux tandis que je vois l'animal atrocement crucifié. Je récite une prière à Bouddha tandis que notre chef d'expédition parle, pour que l'âme de cette créature puisse se réincarner dans une vie meilleure...

Lorsque Yin Qiu me parle, je sursaute presque et c'est horrifiée que je vois la dame aux blancs cheveux user de ses manches comme des armes. L'odeur de la chair en décomposition me retourne l'estomac et me fait pâlir. Mais ce n'est pas la première fois que je vois de près des choses peu ragoutantes, et l'estomac en question tient bon.

- Cette odeur... C'est un poison. La Sève des Sources Jaunes est un poison interdit par l'empire, utilisé par un temple reconnu comme illégal. Mieux vaut que vous en ignoriez les conséquences. Mais si vous veniez à en être touché, il ne vous resterait que deux minutes à vivre. Je suis désolée, mais je crains de ne pouvoir vous être d'aucun secours car je ne lui connais aucun andidote...

Yin Qiu dédia un sourire résigné à Dame Bai Zhu qui l'avait sauvé d'un vil traquenard.
"Milles merci. Mon insatiable curiosité risque de m'attirer bien des ennuis, un jour où je n'aurais pas des amies pour m'épauler."
Se tournant vers le chasseur, il poursuivit.
"Merci à vous aussi. Faîtes passer le mot : nous risquons de rencontrer d'autres pièges de ce genre."

Après l'exposé de Xiao Guang, l'eunuque frémit.
"Peste ! Voilà qui s'annonce fort problématique !" jura-t-il. "Merci de votre expertise, Shi Fu, même si ce sont de sombre nouvelle. Je m'attendais à des pièges et à l'utilisation de poisons, mais je pensais qu'ils utiliseraient quelque-chose bricoler sur place à partir de plantes de la forêts, quelque-chose contre lequel nous pourrions nous prémunir..."

Yin Qiu s'entretint alors avec Dame Bai Zhu et les traqueurs.
"L'ennemi est vraiment décidé et vicieux, pour utiliser ce genre de méthode..." commença-t-il. "Néanmoins, le fait qu'ils prennent de si drastiques précautions nous apprends une chose : ils nous craignent et ne veulent pas attirer l'attention. Ils préfèrent user de la fourberie, du poison et de la peur plutôt que de risquer une confrontation directe. Je suppose donc qu'ils ne doivent pas être très nombreux, mais qu'ils disposent de personnes très spécialisées... Si nous évitons les pièges et ne cédons pas à la peur, nous pouvons sans doute l'emporter sur eux."

L'eunuque réfléchit un instant, se remémorant les leçons de son maître de l'Ecole du Venin du Sud.
"Cette brume est à la fois une bénédiction et une malédiction. La plupart des utilisateurs de poison attaque à distance, à l'aide de fléchettes ou de dards empoisonnées, plus rarement avec des fléches, celles-ci étant suffisamment mortelles... Le brouillard va donc les obliger à se rapprocher, et ils ne pourront pas aisément nous viser. Mais comme l'a dit l'estimée Xiao Guang, la moindre blessure pourrait être fatale... Un utilisateur de poison visera d'abord les zones de peau exposées ou peu protégée, comme le cou par exemple : il doit faire pénétrer son projectile dans la chair. Essayons d'en masquer le plus possible et n'hésitons pas à rembourrer nos vétéments... C'est pas comme s'il faisait chaud, hein ?"
Il se tut, afin de voir comment ses analyses allait être perçut.

- Aya.... soupira un des chasseurs Je ne pensais pas qu'on irait à l'encontre d'autant de problème...Si la forêt est truffée de piège comme ça, j'aimerais autant rebrousser chemin...

- Moi, je préfère savoir que nous avons à faire avec des humains....Au moins, on peut les affronter le coupa un second
- Ha ouais ? Dans cette purée de pois ? On aura même pas le temps de tourné la tête qu'on finira comme ça fit un troisième en montrant la carcasse...

- Une seule chose est sûre soldats...Si vous ne nous suivez pas jusqu'au bout, vous êtes sûrs de ne pas rentrer vivants...Je vous le promet gronda Bai Zhu avec un air féroce... Quelle sorte d'homme êtes vous, au juste à craindre quatre morceaux de fer et une chèvre ouverte ?

Les hommes grincèrent des dents à la remarque et vérifièrent mutuellement que leurs habits les couvrait au maximum.
Si les capes de voyageurs assuraient une certaine résistance, le cou et le visage, même couverts, restaient des cibles faciles.
A en juger la profondeur avec laquelle les pointes étaient enfoncées, les adversaires devaient pouvoir passer outre de simples protections de tissu.

Le chasseur accroupi, n'ayant toujours rien dit, trancha d'un coup sec le filin qui retenait le piège, neutralisant le dispositif mis au point par les assassins. Une branche souple couvertes de petits dard similaire décrivit un arc de cercle et se planta à son tour dans la carcasse, les lames luisant d'une huile à l'odeur de soufre, qui se fichèrent dans la viande déjà corrompu de l'animal

- Si ce n'est que ça...On devrait pouvoir les voir venir, leurs pièges...Marchez en rang derrière Ling Zhen et moi, tout ira bien fit-il, laconique...

Se conformant aux instructions du chasseur, Yin Qiu se plaça près de la moniale. La jeune femme paraissait stoïquement supporté les danger de l'expédition, mais il souhait être prêt d'elle pour la protéger au cas où. Même si elle lui avait affirmé savoir se défendre, son instinct chevaleresque lui imposé de la réconforter. Curieusement, ça ne semblait pas s'appliquer à Dame Bai Zhu...
"Désolé de vous avoir entrainé là-dedans." murmura-t-il. "Je savais que ce serait dangereux, mais je m'attendais pas à ce genre de traquenard mortel. Espérons que la chance soit de notre coté... N'hésiter pas à nous prévenir si vous remarquez quoi que ce soit : nous avons besoin de chaque paire d'yeux..."

En avançant, il fouillait de yeux plus les arbres et les buissons que le sol : les chasseurs devant lui remarquerait plus aisément des pièges aux sols que lui.
Pour masquer sa nervosité, l'eunuque continuait de discuter à voie basse.
"Je crains une attaque d'un angle inattendu, en fait..." déclarait-il à ses compagnons. "Un piège au sol découvert nous incite à chercher des pièges de même nature. Et les gens ne font pas souvent attention à ce qui se passe au dessus d'eux..."

Intimidée que l'on s'occupe de moi, j'essaie de paraître le plus digne possible :

- Je savais aussi que cela pourrait être dangereux. Il ne faut pas s'inquiéter pour moi, Ying Xiong.

Cependant, quand il parle d'angles imprévus, je me sens quelque peu frissonner. Faisant le vide dans mon esprit, je retrouve mon sang froid. La peur n'aide pas à voir clair... Je deviens, à mon tour, très vigilante à tout ce qui m'entoure.

J'assure ma prise sur le manche de mon Yue Ya Chan tout en murmurant à Yin Qiu :

- Il y a... d'autres personnes autour de nous. Je ne les vois pas, mais je les sens.

Calme, il faut rester calme... Tu entends mes pensées, mon coeur ? Cesse donc de t'emballer !

Yin Qiu déglutit et acquiesça.
"J'ai la même sensation... Je crois qu'on nous observe..." souffla-t-il à ses compagnons, lançant des coups d'oeils nerveux aux alentours.
Un sourire torve défigura son beau visage.
"J'aimerais bien qu'ils se montrent, ces Chou Dong Xi !" grogna l'eunuque. "On moins, on saurait à quoi s'en tenir."
Il avait parfois fait office de garde du corps ou plus banalement d'escorte lors de ses errances. En fait, il détestait ses temps d'attentes morne, qui semait le doute, la peur et la paranoïa, usant l'esprit et les sens dont il était si fier.
Pourtant, Yin Qiu sentait montait en lui l'exultation de la chasse. Enfin ils allaient peut être mettre un visage à ses sinistres ennemis sans nom. Voilà qui ferait à coup sûr un beau chapitre de sa légende...
Pourtant, il se devait de rester prudent et méticuleux, alors qu'il n'avait qu'une envie : crier et défier les mécréants qui se tapissaient sans nul doute sournoisement autour d'eux.
Il n'était pas seul. Si il avait confiance en les talents de Dame Bai Zhu et en sa rouerie, il se doutait que les chasseurs et la moniale n'était pas des experts martiaux. Il s'en voudrait éternellement s'ils leur arrivaient malheurs...

"Si jamais nous sommes assaillit, essayer de vous faire discrète et de vous abriter..." conseilla-t-il à Xiao Guang, une inquiétude perceptible dans la voix. "Vous êtes notre guérisseuse, il ne faut que ce soit vous qui ayez besoin de soins !"

Se rapprochant lentement de Dame Bai Zhu, il lui murmura une question.
"La présence que je sens pourrait-elle être l'un de vos hommes se terrant pour éviter des ennemis ? Avez-vous un signal de reconnaissance discret ? Je n'aimerais pas que nous criblions de flèche un buisson abritant un allié fourbu..."

"A terre !" hurla Yin Qiu en s'aplatissant au sol dès qu'il vit le geste du pseudo-fantôme. "On nous attaque !"
Durant sa chute, il dégaina un de ses Hu Die Shuang Dao et le lança de toutes ses forces vers la silhouette menaçante.
Ce n'était qu'une manœuvre de diversion : l'eunuque savait qu'il n'avait pas le temps d'ajuster son tir et que son arme était trop grosse et pas assez équilibrée pour faire une arme de lancer convenable...
Malgré cela il espérait qu'avec la vivacité de sa riposte il troublerait l'assaillant, ne serait-ce qu'un instant, ce qui permettrait à ses compagnons de se mettre à l'abri ou d'ajuster une flèche. Après tout, peu de gens restait insensible à une lame d'acier qui volait vers soi...

Intérieurement, il rassembla ses énergies, prêt déchiqueter le mécréant par une danse floue de poignards afutés... Si seulement il parvenait à s'approcher assez vite.

BANG ! BANG !

Le bruit de deux fléchettes venant percuter à pleine vitesse la plaque de fer qui orne la crosse de la jeune fille avant qu'elle ne tombe au sol, résonne comme un coup de canon à ses oreilles...
Le nez dans les aiguilles sèches voit assez mal ce qui l'entoure mais entend un cri : l'un des chasseurs se tient la gorge où est fichée un de ces éclats de fer. Il tombe à genoux et s'effondre.
Les autres dards se fichent à quelques centimètre de l'eunuque, envoyant de l'écorce brisée juste à coté de son visage...

Un claquement de soie et quelques froufrou retentissent au dessus de la jeune bonzesse, un tourbillon de pourpre s'est envolé en direction d'un sommet de pin et un éclat de rire familier l'accompagne...
Jugé sur le tronc, la main agrippée au corps de l'arbre, elle se retire pour mieux trouver sa cible, vers laquelle fondent deux objets brillants en vrombissant : l'un des couteau papillons s'enfonce profondément dans le pin où était perché le spectre, le second rencontre la manche de celui-ci, qui d'un habile mouvement d'avant bras, vient de le dévier de sa trajectoire dans un fort bruit de métal....
Deux flèches fusent en direction de la créature, qui bondit à nouveau dans la brume comme un singe avant de disparaître, suivi de près par Bai Zhu....

Pour Yin Qiu, les doutes se dissipent progressivement : un fantôme aurait-il fait l'effort de parer un couteau, comme s'il avait craint pour sa vie ?

Yin Qiu se relevant en pestant. C'était passé près, beaucoup trop près !
Il jura à nouveau en avisant qu'un des chasseurs avait été blessé, peut être mortellement.

Avisant la moniale prostrée, il hésita : devait-il se ruer à la poursuite de l'ennemi afin d'aider Dame Bai Zhu ou bien rester ici pour calmer et organiser la troupe ?
Son instinct le pousser à poursuivre l'agresseur. Cependant, son rôle était d'être celui qui était posé et réfléchit dans le groupe... En tout cas, il fallait faire vite.

"Shi Fu, vous allez bien ? Vous n'êtes pas blessée ?" lança l'eunuque à la guérisseuse. "Nous avons un homme qui aurait besoin de vos soins... Ne serait-ce que pour atténuer ses dernières souffrances si jamais le dard était empoisonné et la blessure mortelle..."
Il savait qu'il en demandait décidément beaucoup à cette jeune fille. Elle lui avait paru si volontaire à la Forteresse !
Mais il était évident qu'une moniale ne devait connaître que depuis peu les horreurs de la guerre et du combat... Sans parler de cette atmosphère glauque, prompte à ébranler le courage... Les religieux étaient sans doute encore plus sensible à ce genre d'atmosphère mystérieuse...
Il espérait qu'en donnant une tâche à la jeune fille, celle-ci pourrait se ressaisir.

Yin Qiu s'adressa ensuite aux pisteurs survivant.
"Trouvez une zone facile à défendre et gardez Xiao Guang pendant qu'elle s'occupe du blessé." ordonna-t-il d'une voix flûté, mais empreinte de détermination. "Lardez de flèches quiconque approche sans se faire annoncer... Si jamais le pire arrivait à votre camarade, camouflez le corps afin qu'il ne soit pas profané par les mécréants hantant ses bois. Essayez alors de nous rejoindre : je pars à la poursuite de Dame Bai Zhu et du vaurien qui joue au fantôme. Il n'aime visiblement pas mon acier, je vais donc lui en apporter un peu plus !"

L'eunuque se dirigea alors vers le pin pour récupérer ses armes. Suivre leur agresseur dans une forêt piégée et pleine de brouillard était plus que téméraire. Il misait sur le fait que le pseudo-fantôme paniqué allait fuir selon un itinéraire sûr.

Grognant, suant et haletant sous l'effort, Yin Qiu se rapprocha en courant.
Voyant que l'Araignée Blanche avait "capturé" dans ses rets l'ennemi, il s'autorisa un bref sourire.
A son cri, il bondit vers l'étrange feu d'artifice, bien résolu à le stopper à coup de botte, de plantes humides voire de cailloux, selon se qui se présentait à porter.
Il pourrait peut être l'empêcher de brûler et crépiter, leur gagnant ainsi un cours répit. Dans cette forêt brumeuse, la fumée jaunâtre serait peut être difficile à cerner s'il n'y en avait pas trop...

"Assommez-moi ce machin !" cria l'eunuque à Bai Zhu. "Ne le tuez pas de suite : on pourra l'interroger ou s'en servir comme appât !"
Il se tint prêt à rejoindre le combat si jamais le pseudo-fantôme se montrait trop résistant, quitte à abandonner sa mission de pompier : la capture du mécréant était prioritaire.