Chronique n°1 : Cendres et poussière (Cycle de la Terre)

Xiao Guang

Les impressionnantes portes de la forteresse restaient ouvertes durant toute la durée et permettait à la foule croissante d'attendre dans la grande cour boisée à l'ombre de l'impitoyable soleil estival



Le général Wang, en charge de l'endroit avait fait abattre une partie de sa demeure pour élargir la contenance de la place de la citadelle et des camps de fortune avait été monté un peu partout, de sorte que l'ancienne ville militaire ressemblait aujourd'hui à une ville de moyenne envergure.
Après une attente d'environ une heure, durant laquelle d'autre civils distribuaient de l'eau régulièrement à ceux qui attendaient, Xiao Guang et le petit renard arrivèrent bientôt devant le lettré, chargé de recenser les demandeurs d'asiles...
Le petit homme, à la barbiche sévère et à l'air malcommode, leva un sourcil vers la jeune femme [/i]

- Mmm? Vous avez également fuit Jilin ? Il me faut votre nom, celui de votre enfant, ainsi que vos savoir-faire spécifiques : menuiserie, taille de pierre, agriculture, forge...Il vous faut savoir qu'ici, personne ne chôme, je préfère vous prévenir tout de suite.

Mon enfant ? Je me mets à rougir. J'ai à peine seize ans, comment peut-il imaginer...

Je me râcle la gorge :


- Je suis Xiao Guang, je suis médecin, et voici mon apprenti Xiao Hu Li. Nous ne comptions pas ne rien faire, au contraire, nous sommes venus non pas pour trouver asile, mais pour offrir nos services à ceux qui en ont besoin.

Le lettré hocha la tête d'un air satisfait

- Médecin mm ? La forteresse héberge une petite pagode tenue par des nonnes...Elle sert d'infirmerie de fortune. Nous avons de quoi faire pour vous, je peux vous l'assurer, surtout avec ce flot de réfugiés.
En revanche, nous manquons de tout : herbe, médicaments, alcool...Les arrivages sont irréguliers et sont fournis par le Général Qi, lorsqu'il arrive à créer une brèche dans les avant-poste Jin aux alentours. Pensez à faire vos commande en avance et comptez le temps qu'elles arrivent de Hang Zhou par le grand canal...
Voici vos sauf-conduits, ne les perdez pas, si c'est le cas, vous ne serez plus autorisée à quitter l'enceinte.
La discipline est stricte et militaire ici, les horaires sont fixes et les tâches de la journée sont fixés par moi au petit matin.
La seule personne ayant autorité ici est le général Wang et il n'est pas commode.
C'est clair ?
Suivant.

Qing Yu Yan

La monture arriva au niveau de la foule de paysans et de citadins réunis en masse anarchique près des larges portes de la citadelle.

- Mouais...Ca ne me dit rien qui vaille autant de monde au même endroit. La citadelle est importante mais elle ne contiendra pas trois villes entières.

De fait, des abris de fortunes commençaient à se construire aux abords de la forteresse, et quelques artisans y proposaient même leurs produits

- Certains ne perdent pas le Nord, à ce que je vois... fit la jeune femme. Je suis persuadé qu'un petit lot d'espion s'est déjà faufilé la dedans. Va pour y séjourner un temps, mais je ne reste pas ici.

La queue semblait interminable à la jeune courtisane, avant d'arriver, en fin d'après midi, devant le greffier

- Vous avez de la chance, vous êtes les dernières à pouvoir être accueillies aujourd'hui...Pour avoir un sauf conduit, il me faut votre nom et vos qualifications. Si vous ne savez pas écrire donner moi le sens du caractère qui compose votre nom, je l'écrirais pour vous.

La jeune femme retint un soupir de soulagement quand enfin vint leur tour. Elle sourit à l'homme assis à sa table, et qui devait y être depuis le matin, puis répondit :

- Je me nomme Yu Yan et je suis artiste. Danseuse et musicienne.--

- Zheng Hua...Je suis...tisserande.

L'homme maugréa en inscrivant les noms

- Pas bien utile tout ça...On a pas vraiment le temps de s'amuser...Enfin. Une tâche vous sera ssignée chaque matin lors du réveil.
Les ordres seront donné aux marches de la demeure du général Wang, au centre de la forteresse.
Il nous manque des nourrices en ce moment pour les enfants en bas-âge et des bras au soufflets de la forge...Je pense que vous ne postulerez pas à la milice des femmes ?

Yu Yan regarda sa compagne d'un air dépité et secoua la tête.

- Nourrice... C'est toujours mieux que bras à la forge... Hé bien à demain matin, sur les marches de la demeure du seigneur Wang, dans ce cas. Nous verrons bien ce que vous avez à nous proposer. Bonne soirée, honorable greffier.

Elle entraîna Zheng Hua avec elle et se mit en devoir de chercher une auberge ou quelque chose d'approchant qui puisse les loger toutes les deux. Suite à d'âpres négociations avec le patron, elle réussit à obtenir une petite chambre qu'elles pourraient partager jusqu'à ce que la guerrière décide de partir.

- C'est toujours mieux que rien, non ? Allez viens, on va aller voir ce fameux château, histoire de ne pas se perdre demain quand nous devrons nous y rendre. Qu'en penses-tu ?

Yu Yan regarda autour d'elle, visiblement dépassée, se rapprocha de Zheng Hua et fit une grimace comique.

- Ah là là... Nourrice... Tu me vois nourrice ? Je sais comment on les fait, mais pas comment on s'en occupe...

Elle secoua la tête d'un air navré.

- Alors, on fait quoi, maintenant ?

Zheng Hua éclata de rire à la plaisanterie puis haussa les épaules

- Gérer des hommes, c'est la même chose, ils n'évoluent pas tellement entre temps. Enfin, il y a des troupes de théâtre sur place, tu peux peut-être prétendre travailler avec eux.
Pour ma part, je serais curieux de voir la tête de ce général. Apparemment il va faire son allocution quotidienne, on verra de quoi il en retourne. Je vais voir si je peux m'engager dans la milice féminines, c'est bien la première fois que j'entends quelque chose de ce genre, c'est incroyable qu'enfin, on y pense....Je suppose que l'armée doit être aux abois pour se permettre de faire confiance à des femmes...

La danseuse sourit et hocha la tête.

- Oui, tu as raison, sauf sur un point. On n'a plus besoin de leur changer les langes passé un certain âge. Moi aussi, je suis curieuse de voir ce Wang. J'ai entendu beaucoup de choses en ville sur son compte, mais si tu écoutes les gens, c'est un dieu incarné sur la terre... J'irai voir les troupes de théâtre demain midi. Elles doivent être en pleine répétition, et il n'est jamais bon de déranger un artiste qui répète.

Elles se mirent à marcher dans les rues de la ville et Yu Yan demanda :

- Tu veux qu'on aille voir la responsable de la milice ?

- Ils doivent tous être sur la place centrale actuellement...Mais effectivement, j'irais bien faire un tour chez l'officier en charge de ce régiment...J'ai entendu dire qu'ils recrutaient aussi les débutants...Tu pourras peut-être te découvrir une vocation.
Je suppose qu'il y effectivement quelques soldats là-haut, si le discours te barbe, on peut aussi bien y aller faire un tour...

- Hé bien, allons sur la place centrale, nous sommes tout à côté et ensuite nous irons voir la milice. Mais après, dînons ! Je meurs de faim et j'aimerais prendre un bain si c'est possible. Dépêchons-nous !

L'enthousiasme de la danseuse était communicatif. Elle aurait en effet donné n'importe quoi pour ne pas avoir à s'occuper de petites choses vagissantes dont elle ne savait rien, et qui avaient le grand désavantage de ne pas lui appartenir.

Plusieurs centaines de lanternes avaient été allumées sur la place centrale, en prévision de la nuit qui tomberait d'ici une heure environ...
Un vacarme sans nom avait lieu sur la place centrale bondée.
Une petite silhouette fine, portant une armure sortit du bâtiment central, flanqué de deux officiers d'élites, dont le regard sévère dardaient la foule avec minutie.
Les tambours s'arrêtèrent lorsque le petit homme leva la main : son visage, jeune et gracile lui donnait l'air d'un enfant et ses petites pommettes contrastaient en tout point avec le port de son casque aux motifs martiaux. Même ses gestes étaient empreint d'une délicatesse rare chez les militaires.
Lorsque le silence fût fait, le discours fût prononcé avec chaleur et ne ressemblait en aucun point aux habituelles litanies écrites par les lettrés de cours. Le jeune homme s'adressait au peuple et il le savait, sa voie aïgüe était pourtant ferme et assuré, hypnotisant son auditoire

- Citoyens du Da Han, frères de Jilin, Kai Feng, Shu Xiu, pas un jour ne passe sans que je ne sois fier de faire partie de notre peuple.
Un peuple qui, devant l'adversité, la faim, la mort, aurait pu cent fois plier le genoux, sans avoir à rougir, conscient de défier ce que beaucoup pourraient penser être l'impossible. Mais cette fois encore, comme depuis que les portes de Tian Chi vous furent ouvertes, aucune des gouttes de sueurs et de sang que vous avez versé ici ne s'est révélée inutile : le Quartier central pourra, grâce à vos effort, accueillir une centaine de nouvelles familles, qui pourront être nourrie grâce à l'extension des champs sur les rives du lac...

Les anciens disaient autrefois qu'il n'y avait pas de plus belle mort pour un militaire que de rendre son dernier souffle pour son peuple et il n'y a que depuis maintenant que je comprends véritablement le sens de ces mots : parce que chacun d'entre vous, chacun d'entre ceux qui n'ont pas renoncé et qui continue à ne pas renoncer, seront ceux qui demain redonneront, par leur travail, par leur volonté et par leur effort, un Empire plus brillant qu'il n'a jamais été.
Quel droit aurais je de refuser ma vie aux plus braves de ceux qui aussi modestes soient-ils, ont su nous donner à tous une leçon de courage et nous réapprendre, à nous autres, lanciers de l'Empire, notre véritable rôle ?

Je renouvelle une fois encore et devant vous mon allégeance au Da Song et à tous ses représentants....Ma lance est la votre.

Une ovation salua le discours du général, qui reprit un peu plus tard pour annoncer la situation

- Le général Qi est porteur d'une livraison de semence importante, qui nous permettra de passer l'hiver si elle arrive jusqu"à nous.
Il me faudra 45 volontaires pour transporter nuitement la cargaison de grain et d'herbes médicinales qui devrait arriver d'ici trois jours. Les personnes intéressées peuvent se présenter au greffier. Les hommes et femmes sans familles sont les bienvenus, il s'agit d'une mission dangereuse...

* C'est ça, le général Wang ? On dirait un eunuque... Nuarchi va le manger s'il parvient à ses fins. Tout est en train de sérieusement se compliquer. *

La danseuse se tourna vers Zheng Hua et eut un sourire.

- Dis donc, de loin, il ne paie pas de mine mais on ne peut pas lui enlever qu'il a du charisme et qu'il sait parler en public.

Elle écouta le discours avec attention. Sans elle pour les missions dangereuses, ce n'était pas son truc.

- Tu veux y aller ?

- Hors de question ! déclara Zheng Hua Je ne connais rien de cette communauté, ce n'est certainement pas pour prendre des risques pour eux. Je vais voir avec la milice. Je crois avoir repéré l'"officier" en charge de tout ça.

Au coté de Wang, une femme d'une quarantaine d'années environ, le visage masculin et les cheveux attachés par une queue de très petite taille, attendait les bras croisés que le général retourne à ses appartements.
Un petit groupe armée de femmes, chapeau de paille rond et uniforme noir et rouge, formant une forêt de pique, attendaient patiemment ses ordres.

Pendant ce temps, un Fang Shi demandait quelques pièces en échange d'un tirage d'avenir, et quelques trafiquants notoires proposaient discrètement quelques objets probablement interdits dans l'enceinte de la forteresse.
La nuit commençait à tomber sur Tian Chi, et les gardes se faisaient plus nombreux sur les remparts, illuminés par de grand braseros.

Yu Yan observa pendant un moment les mouvements de l'homme le plus important de la ville, les gens de son entourage, l'environnement dans lequel il évoluait. Elle s'était attendue à tout sauf à quelqu'un comme lui, dont le physique était aussi éloigné de l'idée que l'on se faisait d'un général charismatique. Elle se demanda s'il serait possible de le manoeuvrer, mais ce qui était certain, c'était qu'il fallait redoubler de prudence.
Elle jeta un coup d'oeil à sa compagne et demanda :

- C'est bien beau tout ça, mais on fait quoi maintenant ? On va voir ton officier ou bien ?Il se fait tard, et je commence à avoir faim.

Le soir, après avoir pris connaissance de l'emploi du temps et des besoins médicinaux des nonnes, je m'en vais, en compagnie de Xiao Hu Li, voir le discours de ce fameux général.

Comme il parait jeune ! Et pourtant il n'a pas peur ! Si vraiment il est ce qu'il dit, si vraiment ce n'est pas la gloire qui l'invite à agir ainsi, alors il s'agit sans doute d'une âme bien noble...

Alors que je me dirige vers le greffier pour savoir si je peux apporter mon aide pour le convoiment des herbes - après tout je sais me battre, et ils auront peut-être besoin d'avoir avec eux une personne sachant reconnaître les herbes - je demande à Petit Renard :

- Dis-moi, le capitaine ne te semble-t-il pas plus digne d'admiration que ton Wu Xia ?

Qing Yu Yan

- Tu as raison...

Zheng Hua se dirigea vers la femme, en demandant préalablement l'autorisation au petit groupe de lancière. La guerrière toisa la jeune fille avec un air sévère

- Tu veux t'engager c'est ça ? Tu sais te servir d'une arme ?

Zheng Hua soutint son regard et répliqua aussitôt

- Un peu...
- Un peu ça ne suffit pas pour survivre...Quel est ton nom ?
- Zheng Hua...
- Nous verrons comment tu te débrouilles à l'entraînement demain matin. Passe dès l'aube, je n'aime pas les retardataires. Ne te crois pas au dessus des autres, nous acceptons tout le monde, et je vois le potentiel après le premier entraînement.

La femme capitaine se retira rapidement, sans même jeter un coup d'oeil à Yu Yan

- Charmante. fit Zheng Hua avec une moue désappointée. Je crois qu'il ne nous reste plus qu'à nous trouver quelque chose à nous mettre sous la dent...C'est drôle, je ne le voyais pas du tout comme ça, leur général Wang....

De nombreux petites tables posées directement à l'extérieur proposaient des repas de diverses régions, et Yu Yan pu même reconnaître de la cuisine Xia, parmi les minuscules auberges de fortune montées de bric et de broc.

Xiao Guang

- Ben non...Il est tout petit....Et...On dirait une fille ! souffla le garçon, un brin déçu. Je suis sûr qu'il est moins fort que Jin Lang Zi.

Le greffier regarde la jeune fille de haut en bas

- Guniang, je ne doute pas de votre courage, mais il s'agit d'une opération militaire....Pour cela, on engage généralement des gens formées à la guerre. Pas des jeunes filles sorties du monastère...Votre place sera plus utile ici.

Tournant la tête vers la place centrale, la jeune fille écoutait à peine la litanie du greffier sur la sécurité, lorsqu'elle aperçu la jeune Xia qu'elle avait croisé au monastère...

Et bien, puisqu'ils ne veulent pas de moi...

Je m'incline en remerciement et me dirige à pas rapide vers la jeune femme rencontrée au monastère. Je m'incline face à elle :

- Quelle surprise de vous voir ici !

Je semble chercher du regard une autre personne, comme si je m'attendais à la voir en compagnie de quelqu'un en particulier. En effet, je me demande où est le héros de Petit Renard...

Yu Yan se retourna, étonnée qu'on l'apostrophe ici, et aperçut la jeune guérisseuse qui avait aidé son sauveur au monastère. Elle lui adressa un grand sourire et s'inclina avec respect devant elle, ravie de la revoir.

- Guniang, quelle joie ! Je ne m'attendais pas à vous rencontrer ici, mais je suis heureuse de voir un visage ami ! Comment allez-vous ?

Elle se doutait de l'identité de celui qu'elle cherchait, aussi lui donna-t-elle les informations qu'elle attendait sans doute.

- Il n'est pas venu, il est resté à Lü Ye. Mais je suis persuadée que nous le reverrons dans peu de temps, il a le chic pour poursuivre ceux qui ne veulent pas le voir... Mais je manque à toutes les règles de la politesse... Je vous présente Zheng Hua, une amie. Cette jeune personne est une grande guérisseuse, sais-tu ? Elle est parvenue à sauver la vie de mon protecteur !

La danseuse semblait véritablement admirative devant les talents qu'elle prêtait à Xiao Guang, et son sourire s'agrandit.

- Mais venez donc dîner avec nous ! Tenez, là... Vous allez goûter les spécialités Xia.

Je rougis à l'évocation du voleur, surprise qu'on aie deviné mes intentions si facilement.
Des patisseries ? Jamais je n'en ai mangé de ma vie... J'hésite. Je n'en ressens pas le besoin parce que je ne connais pas. Mais si j'aimais ça de manière immodérée ? Cela me rattacherait encore un peu plus à des besoins vils. Pourtant, ai-je vraiment du mérite à arpenter le chemin de l'éveil en ne connaissant rien des épreuves à affronter ? Je comprends maintenant pourquoi Bo et Huang voulaient que je visite le monde...
Je me prépare à accpeter quand soudain une considération me vient à l'esprit :

- C'est à dire que... Xiao Hu Li et moi n'avons pas d'argent. Mais au fait, que faites-vous là, aussi ? Aux dernières nouvelles vous étiez partie vers un petit village, suivie de notre voleur...

- Ne vous en faites pas pour si peu, vous êtes mes invités ce soir. C'est la moindre des choses après ce que vous avez fait pour moi. Venez ! Allons nous installer par là.

La danseuse les entraîna vers une toute petite auberge tenue par un couple âgé de Xia, à qui elle s'empressa de présenter ses respects. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous les quatre installés à une table et attendaient les hors d'oeuvres.

- Vous avez raison, je me suis rendue à Lü Ye et j'ai constaté que votre voleur avait eu l'audace de me suivre comme si j'étais une criminelle. Heureusement, nous nous sommes expliqués et il m'a aidée à retrouver Zheng Hua. Et nous voilà. Mais et vous même, que faites-vous donc ici ? Ce n'est pas l'endroit le plus calme de toute la région.

- Oh et bien merci, dis-je en m'inclinant en signe de gratitude.

Tout en écoutant la jeune femme, dont je m'aperçois que je ne connais toujours pas le nom, je regarde arriver les entrées. Je tente de ne pas y faire attention, tout en répondant :

- Eh bien, je vais là où les chemins me mènent, n'ayant pas vraiment de projet. Je suis allée là où je pense que l'on pourrait avoir besoin de moi.

Je baisse les yeux vers le plat et avale ma première bouchée. Les saveurs explosent sur ma langue, s'affinent sous mon palais, se fondent dans ma gorge. Que c'est bon... Rien ne m'avait préparé à un mélange aussi subtil de saveurs, de douceurs. Les larmes aux yeux, j'arrive cependant à me réintéresser à la conversation :

- Vous vous connaissiez depuis longtemps, toutes les deux ? Au fait, je ne connais toujours pas votre nom, Gu Niang... Ce plat est délicieux, qu'est-ce ?

Ma main tremble quand il s'agit de prendre la seconde bouchée. Je me sens un peu perdue, soudain. Huang et Bo connaissaient-ils cela ? Y ont-ils renoncé sereinement ?

- C'est vrai ! Je ne connais pas le vôtre non plus, nous sommes donc à égalité, répondit la danseuse avec un sourire malicieux. Je m'appelle Yu Yan.

Elle la regarda goûter la soupe et eut un sourire en la voyant apprécier les saveurs du plat.

- Quelque chose de typique... Je ne vais pas vous dire ce qu'il y a dedans, cela perdrait tout son charme. Sachez seulement qu'il y a de la citronnelle, du gingembre et des boulettes de viande épicées. C'est un de mes plats favoris.