Chronique numéro 1 : Avant la tempête (Cycle de l'Eau)

Yin Qiu s'écarta doucement de la foule, se préparant à rejoindre le quartier général pour la représentation de la pièce. Vu le talent des artistes, la représentation allait être divine ! Il en frémissait d'impatience.
L'eunuque avisa alors Lin Xiao Yu, qui elle aussi s'intéressait visiblement à l'art. Parfait ! Il allait pouvoir en plus discourir de stratégie et de vil coups tordus pour se défendre, voire attaquer les barbares Jin.
En parlant de perfidie, son esprit mesquin vint alors lui souffler une idée, l'empêchant de rejoindre la jeune femme.
Il dévisagea en silence la troupe de théâtre si douée. Très doué, pour la région... Sa paranoïa se réveillait : c'est exactement comment il s'y prendrait pour assassiner un chef militaire goutant l'art au coeur d'une forteresse protégée. En glissant un meurtrier agile au milieu des danseurs ou des figurants. Il suffirait de choisir une représentation suffisamment martiale pour qu'armes et spécialiste du combat y passe inaperçu... Sans parler des armes de jets, discrètes et que l'on peut lancer au cours de quelques pirouettes ou danse... Oui, c'est exactement comme ça qu'il ferait...

"Bah, la guerre me rend décidément nerveux et surprotecteur." ricana-t-il de lui-même.
Mais il décida de rester prudent, tout de même. Il connaissait d'expérience quelques troubadours aimant jouer du poignard...

S'avançant vers Lin Xiao Yu, il se força à sourire et à quitter son air inquiet.
"Dame Lin Xiao Yu, je vois que vous appréciez l'art de l'Empire Song !" commença-t-il. "Vos quartiers vous conviennent-ils ?"
L'eunuque avisa alors Bai Hou qui errait dans la foule, l'air hagard.
"... Et, ce ne serait pas votre ami, là bas ?" poursuivit-il, vaguement inquiet. "Il a l'air encore moins bien qu'avant..."

Lin était en train de scruter la foule quand elle vit apparaître Yin Qiu, souriant avec les lèvres si ce n'est avec les yeux. Elle sourit à son tour à la vue d'un visage connu. Quelle chance ! Elle commençait à se sentir perdue dans cette foule.
Elle lui rendit son salut, et répondit :
"– J'ai toujours eu une très grande admiration pour la brillante culture Song. C'est pourquoi je suis ici : pour tenter de protéger les derniers remparts de cette civilisation éblouissante contre la barbarie des envahisseurs.
Et oui, mes quartiers me conviennent. J'adore prendre de la hauteur, cela me donne l'impression d'avoir une vue surplombante de la situation et de mieux la comprendre. J'ai commencé à travailler pour le Général. J'étais venue lui rendre compte, mais je voudrais d'abord voir le spectacle ! Qui joue ? D'où vient la troupe ?"

Elle s'interrompit quand l'eunuque lui montra Bai Hou, qui avait effectivement l'air mal en point. Fronçant les sourcils, elle s'excusa auprès de Yin Qiu :
"– Attendez-moi un instant si vous le voulez bien, je vais voir s'il n'a besoin de rien, et je reviens profiter de votre conversation."

Elle se dirigea alors vers l'ivrogne, et, d'un ton inquiet, lui dit en s'approchant :
"– Bai Hou ? Tout va bien ? Tu n'as pas l'air en forme. Si tu veux toujours un bon bain et du repos, j'ai fait préparer une chambre pour toi à mes appartements, et j'ai laissé des consignes pour que tu sois reçu. C'est dans le grand bâtiment que tu vois, là-bas, dans la ville haute. Tu devrais aller dormir un peu. "
Elle lui adressa un sourire compatissant. Il semblait vraiment à bout. Son malaise de tout à l'heure était-il le prélude d'une maladie plus sérieuse ?

Huu... Xiao Yu... Le vagabond se retourna, visiblement perdu dans ses pensées il cherchait une manière appropriée de répondre.
Je... Non... Oui... Vous avez raison, il faut que je me repose... Je... Il faudrait que.... Dame Lin.... Puis-je vous demander une faveur ?... Je... Enfin...
Les yeux de Bai Hou inspirait de la pitié, son flegme habituel avait laissé place à un sentiment de honte, de doute et de tristesse.

Sa tête commençait a tourner, lui qui pensait le malaise passé, le voilà dans une situation encore pire.
Le vagabond se rattrapa d'un mauvais pas en s'appuyant sur son bâton. Il tendit la main en direction de sa compagne de voyage avant de s'effondrer en balbutiant : Puisse-t-elle un jour me pardonner....

Perplexe et alarmée, Xiao Yu se pencha vers Bai Hou. Elle fronça les sourcils encore plus, et lui demanda d'une voix douce :
"– Qu'y a-t-il ? Tu as besoin d'aide ? Est-ce que tu es malade ? Tu veux que je demande à quelqu'un de te raccompagner ? Ou de t'emmener au dispensaire ?"

M... Mon passé... Le vagabond était à genoux et essayait de se relever. Il... Il faudrait que... que je me repose...

Bai Hou s'appuya sur son bâton et se releva avec difficulté. Laisse-moi... Je... Je vais dans mes... appartements... me reposer...

La jeune femme se redressa, et regarda l'ivrogne d'un air critique.

"– Tu es sûr ? Bon... tu n'as qu'à aller te reposer et prendre un bain dans nos quartiers. Si tu as besoin de quelque chose, tu peux me demander, je te dois bien ça après le chemin que nous avons fait ensemble. Ici ce n'est pas l'endroit, mais si tu veux discuter plus tard au calme, tu n'auras qu'à frapper à ma porte. "

Elle lui adressa un sourire d'encouragement.

Yin Qiu se tint d'abord à une distance polis, ne voulant s'immiscer dans l'intimité de Lin Xiao Yu et Bai Hou... Tout en tentant une oreilles indiscrète. La curiosité rongeait l'eunuque : qu'est-ce que pouvait bien avoir de spécial ce vagabond pour troubler autant le général Wang ?
Malheureusement, avec le bruit de la fête alentours, il ne pouvait saisir le moindre mot de ce que se disait ces deux là...

N'y tenant plus, Yin Qiu se rapprocha, affichant un air volontairement engageant et serviable, tout sourire.
"Un problème, Dame Lin Xiao Yu ?" s'enquit-il d'un ton amical un peu forcé. "Si votre ami est un peu... indisposé, je sais qu'il y a un dispensaire non-loin, dans lequel officie la douce Xiao Guang. Elle se ferait sans doute un plaisir de vous aider..."
In petto, il ajoute "Mais ce serait donner de la confiture aux cochons".
Sans savoir pourquoi, il avait prit en grippe le vagabond dès qu'il l'avait vu... Ce n'était guère raisonnable, son esprit cartésien le lui disait... Mais il n'aimait pas les ivrognes, les crasseux, ceux qui se laissait aller... Tout cela n'était pas Song !

Secouant la tête, il chassa ces mauvaises pensées qui troublait son karma. Lin Xiao Yu avait apparemment de l'estime pour cet homme. Il devait donc posséder quelque-chose de bien sous ces couches de crasses et derrière les vapeurs d'alcool.

Pour se racheter, il conduirait Bai Hou au dispensaire ou vers ses quartiers, si l'homme en avait besoin.

Xiao Guang

- Incroyable, je te dis...Je donnerais ma solde pour pouvoir assister à cette fichue représentation...

- Ha, ha, si ta femme t'entendait... répliqua une voix rieuse à la première...

Apparement, deux soldats de garde se promenait sur le chemin de pin qui conduisait au temple. Rien d'étonnant à ce que Jin Lan Si ait pris la fuite.
Xiao Guang frissonna à cause de l'air frais qui traversait la minuscule pinède. Plus haut, le vacarme joyeux d'une fête retentissait dans les murs de la cité : la troupe de théâtre de Tian Jin devait commencer à lancer son spectacle, à n'en pas douter.
Les deux silhouettes des soldats s'approchèrent du petit temple et regardèrent en direction de la bonzesse. L'un d'entre eux la regarda avec étonnement, puis continua sa conversation...

Lü Wu

- Demandez aux fermiers et aux chasseurs de faire ces récoltes. La plupart des filles sont uniquement formées à la guerre et sont sous l'autorité de la cheftaine.
Nous sommes ici pour assurer la sécurité, par pour faire les commissions...

Le bruit métallique et l'éclair d'acier qu'il avait entrevu frappèrent l'esprit du vagabond tel la foudre. Une évidence s'était mise en place dans son esprit, quelqu'un était en danger... Xiao Yu ? Rong ?

Il se retourna, canalisé par la menace. Qu'importe qui était ciblé, tout un chacun a le droit de vie.
Le vagabond aperçu l'eunuque, même s'il ne le connaissait pas il décida de lui faire confiance car il avait reçu les honneurs du général. Il lui lança rapidement, Quelqu'un est en danger... Fait moi confiance. Wang, un émissaire, quelqu'un... L'inquiétude était palpable dans sa voix.

Bai Hou piocha dans son énergie pour reprendre un second souffle.

S'il voulait trouver le présumer assassin et l'arrêter il lui faudrait une vue d'ensemble, mais il faudrait aussi passer inaperçu.
Le singe blanc, se précipita dans la ruelle la plus proche et "escalada" une façade pour ensuite sauter de toit en toit et remonter la procession.




Utilisation du Wu Gong de légèreté pour monter sur les toits et sauter de toit en toit.

Bai Hou

Le Singe blanc retrouva quelque peu ses esprits lorsque le vent frais du soir balaya son visage, à mesure qu'il évoluait avec une surprenante agilité de toit en toit...
Perché sur la demeure du général de la garnison, il avait pu échapper à la surveillance de la soldatesque, un peu relâchée du fait de la présence des acteurs.
Surplombant la cour, il ne trouva pourtant aucun détail étrange : le petit étang était illuminé par de nombreuses lanternes et de grands brasero, tandis que la foule restait sur la place centrale du quartier riche.
Seuls les invités de marque siégeaient sur les bancs du petit pavillon, à la table de sa sœur, grimé en homme comme de coutume, visiblement satisfaite de la tournure des choses.

Lin Xiao Yu et Yin Qiu

L'eunuque n'eût aucun mal à suivre la progression de la jeune noble de Dali, qui faisait honneur à la légendaire beauté des femmes Bai, en apparaissant sous un jour bien meilleur qu'à son arrivée. Les deux invités furent d'ailleurs placés directement à droite du général, places usuellement réservés aux hôtes d'honneur.
L'officier arborait un visage plus détendu et parla directement à ses deux invités

- J'ose espérer que vous appréciez le théâtre. Je vous prie de vouloir excuser mon comportement, il y a quelques heures, mais j'avoue être quelque peu fatigué, ces derniers temps...J'aimerais effacer avec vous ce malentendu autours d'une coupe. La plupart des invités présents ici sont au fait de vos exploits , Maître Yin, je suis sûr qu'au moins la moitié d'entre eux voudrait échanger un verre avec vous et que l'autre meurt d'envie de faire quelques passes d'armes avec vous.
Les Spectres de Shaoxin on décliné l'invitation, mais Dame Bai Zhu est rassuré : ses hommes sont rentrés sains et saufs...Le capitaine Ma a une nouvelle fois fait des miracles, semble t-il...
Dame Lin, je sais que le climat n'est pas des plus plaisants pour une personne de Dali, mais nous espérons être suffisamment chaleureux pour combler ce manque. J'espère entendre votre point de vue sur la petite lecture que je vous ai soumise ce soir....

La troupe de théâtre fit alors son apparition sur l'estrade éclairée, à une dizaine de mètres du pavillon sous lequel le banquet est installé...

Qing Yu Yan

Le maître de théâtre salua la cour avec déférence et présenta le spectacle avec une éloquence toute professionnelle

- Général, ma troupe et moi-même vous présenteront ce soir une version inédite du légendaire Serpent Blanc...On y parlera d'amour et de trahison, de souffrance, de charme et de tragédies. On y découvrira que le serpent n'est pas toujours celui qu'on croit et que parfois un grand sacrifice est nécessaire pour servir la plus belle des causes.
Exceptionnellement ce soir, une actrice venu des lointaines contrées du Xia Occidental interpretera le rôle du serpent blanc, et ce, uniquement pour vous, général...

Les premières mesures de vielle chinoise retentirent, accompagnée de sons de puissants cymbale de cuivre.
Deux acteurs massifs, sensés représenter de célèbres exorcistes taoïstes traquant le serpent des montagnes firent leur apparition sur la scène, avec force acrobaties martiales...
Yu Yan devait intervenir quelques secondes après eux...

- Je veux que toutes les attentions soient sur vous, Yu Yan...

La voix du maître était remplie d'une grande émotion, tandis que ses mains tremblaient légèrement. Le son des cymbales pourtant, faisait tourner la tête de la danseuse...

XIao Guang

Lorsque la jeune doctoresse fit glisser la porte du dispensaire, un feu avait été allumé près du lit ou dormait Zheng Hua...
Son visage était en sueur et elle devait probablement evacuer les dernières fièvres qu'avaient provoqué l'excès de Yang.
Son sommeil était agité, et de temps à autre, elle se tordait sur la natte dans un spasme de douleur...
Lorsque le chuintement du bois de la porte retentit, sa main plongea à la recherche de son épée en vain....car elle lui avait été retirée...
Ses yeux apeurés fixèrent Xiao Guang, et haletante, elle retomba sur son lit...

- Où suis je ?

Je m'approche d'elle à pas feutrés, posant ma main sur son front, écoutant du bout du doigt son rythme cardiaque.

- Vous êtes dans la citadelle fortifiée, au dispensaire. Jin Lan Si vous a sauvé du temple, et je vous ai évité de mourir. Yin Qiu a dépéché les hommes de l'expédition pour vous ramener ici, et vous permettre de vivre, laissant avec lui le strict minimum pour achever sa quête des "spectres".

Je dis cela d'un ton neutre, mais j'espère lui faire comprendre ainsi que son imprudence a causé beaucoup de souci - et aurait pu coûter des vies.

- Maintenant, le temple et ses moines ont été mis hors d'état de nuire, et vous êtes hors de danger, tout va bien donc.

Je vérifie l'état des blessures, repassant du baume s'il le faut, reserrant les bandages comme il le convient.

Heureuse de retrouver Yin Qiu et le Général, c'est tout sourire que je lui réponds quelques secondes avant le début de la représentation :

"– J'apprécie beaucoup le théâtre, merci. L'accueil que vous m'avez réservé compense les petits inconvénients du trajet jusqu'ici. C'est avec plaisir que je resterai discuter avec vous après la représentation. A vrai dire, je l'espérais bien, car j'ai préparé quelques rouleaux à vous soumettre pour commencer. Mes premières impressions, en quelques sortes. "

Elle sourit franchement à Wang, heureuse d'être là, oubliant presque la situation extérieure périlleuse. Presque. Elle espérait que la danseuse Xia qu'on annonçait serait assez douée pour achever de lui changer les idées. Après un sourire à l'adresse de Yin Qiu, elle se cala confortablement pour observer la foule, le maître de théâtre, et attendre le début du spectacle.

Yin Qiu s'installa près du général avec un sourire forcé, espérant masquer sa nervosité et son souffle court. Il était rassuré d'être si prêt du général : non seulement il pourrait discuter avec lui et l'émissaire du Dali, mais il pourrait aussi intervenir promptement si l'avertissement sinistre de Bai Hou s'avérait vrai.

"C'est un plaisir ! Me voilà triplement ravis et rassuré." s'enthousiasma l'eunuque de sa douce voix. "Je suis enchanté que votre compréhensible fatigue est disparu. J'espère que cette représentation distraira un instant votre esprit de tous les soucis quotidien qui doivent peser sur le Défenseur de Tian Chi . Je suis soulagé pour Dame Bai Zhu et ses hommes et ravis que le bouillant capitaine est réussi sa mission et soit rentré sain et sauf. Il me faudra aller le féliciter."

Il poursuivit, toujours sur un ton amical et festif, le temps que la troupe se mette en place.
L'eunuque ne croyait pas un mot de l'excuse de la prétendu fatigue du général. Celle-ci était d'une autre trempe et ne les aurait pas congédiés ainsi en plein conseil de guerre. Connaissant la jeune femme et la voie qu'elle avait choisit avec tant de détermination, elle se serait écroulée après avoir donner ses ordres.
Mais il n'insista pas là dessus, par politesse et parce qu'il avait besoin d'être cru et donc d'être dans les bonnes grâces du général.

"Rassurez-vous, j'irais remplir mes obligations sociale et me vanter auprès des curieux." poursuivit l'eunuque d'un ton amusé. "Même si je ne serais parvenu à rien sans mes compagnons. Nous boirions et festoierons à leur santé... Mais j'éviterais alors de faire quelques passes d'armes : j'aimerais ne blesser personne, ni physiquement, ni dans leur ego. Mes talents sont pour servir la justice et même si j'aime les exposer avec grandiloquence, je préfère que ce soit pour une noble cause et non un petit spectacle."

Baissant peu à peu la voix, l'eunuque adopta un ton moins insouciant, plus réfléchit et à l'inflexion recherchée pour encourager les doubles-sens.
"J'ai eu le privilège d'admirer quelques membres de la troupe il y a peu. Celle-ci est... étonnamment douée. Quelle chance d'avoir des artistes capables d'effectuer une représentation d'un tel niveau, si loin de la capitale et si près de la guerre. Je m'attends à un spectacle particulièrement intéressant..."

L'intuition de l'eunuque s'attendait en effet à quelque complot utilisant ces étonnants artistes. C'est ce qu'il aurait fait lui même, s'il savait un général Jin particulièrement sensible à l'art.

Baissant encore la voix pour adopter le ton de la confidence amusée, Yin Qiu poursuivit à l'attention du général et de Lin Xiao Yu seulement.
"J'ai également croisé votre ami, Lin Xiao Yu, cet étrange Bai Hou. Il m'a paru fort agité. Encore plus qu'à l'accoutumé, si vous me permettez. Quelque-chose le troublait et il m'a lancé une étrange mise en garde : il craint pour votre vie et celle du général. J'espère que cela ne va pas porter malheurs, mais je me suis juré de vous porter cet avertissement : pour une fois, il avait l'air si sérieux et inquiet..."
Il balaya l'inquiétude d'un revers de la mains avant de terminer.
"Je crains que la méfiance fasse désormais trop partie de ma vie et de mes pensées. Tout ça n'est peut être que pure paranoïa ou délire d'un alcoolique. Profitons plutôt du spectacle ! Mais... restons attentifs, si jamais une belle rose cachait quelques épines..."

* Comme s'il pouvait en être autrement... *

La jeune femme inclina la tête et sourit au vieil homme. Bien sûr que l'attention de tous serait sur elle, n'était-ce pas ce qui était prévu... Dans le battement lancinant des cymbales, elle se demanda soudain pourquoi. Pourquoi insister sur l'évidence ?

* Pour détourner l'attention. *

Les pas précis glissèrent sur les planches et le pied menu se posa sur la pointe, offrant sa peau d'albâtre au milieu de la soie blanche vaporeuse aux regards des spectateurs. Les ondulations de son corps fin et souple suivait sans peine le rythme de la musique tandis que les boucles noires s'enroulaient autour de lui comme de longs serpents d'obsidienne.

* Que le spectacle commence ! *

Elle inspira lentement et fit appel aux énergies du wu gong que sa mère lui avait appris, et ses gestes devinrent plus langoureux, plus sensuels, plus érotiques. Elle incarna enfin le Serpent Blanc aux yeux de tous, l'étoffe précieuse du costume épousant sur ses courbes généreuses, la soie se lovant comme une seconde peau autour de ses jambes.
Ces Song allaient voir ce que c'était, une vraie artiste, une danseuse digne de ce nom, ensorcelés par le regard de jade de la plus belle créature qu'ils aient jamais eue la chance d'apercevoir.

Elle aurait ainsi tout le loisir d'observer son environnement. Et ses partenaires...
La fascination qu'elle provoquait ne l'affectait pas, après tout.


[Utilisation du wu gong des Mouvements hypnotiques]

Lin/Yin Qiu

- En réalité, le capitaine Ma n'est toujours pas revenu. Il a simplement donné des nouvelles de son avancée. Il confirme malheureusement que le convoi a rencontré quelques problèmes. fit Wang à l'intention de Yin Qiu, avant de se tourner vers la jeune stratège

- Je serais enchanté d'entendre votre avis à ce propos. Vos compagnons ne nous ont pas rejoint ? termina t-il d'un ton neutre. Nous trinquerons donc à leur santé...

Le silence pourtant se fit lorsque l'actrice sensée incarner le Serpent Blanc posa le pied sur scène.
La rumeur persistante du banquet s'éteignit progressivement, comme si d'un seul homme, la foule toute entière était suspendu aux mouvements virevoltant de la fleur de soie qui virevoltait sur l'estrade.
Les tourbillons que formaient les longues manches attrapait les regards comme la toile d'araignée capture l'insecte imprudent : progressivement, toutes les attentions ne pouvaient se détacher de cette tempête de grâce et de sensualité. Lin peinait à voir autre chose que la chute de neige soyeuse dont les mouvements serpentins lui rappelait avec une profonde mélancolie les cols enneigés des hauteurs de Dali, tandis que les yeux de Yin Qiu restaient collés aux improbables mouvements dont la souplesse et l'élégance rendait hommage à l'exubérante beauté de l'interprète. Tout autour de l'actrice semblait n'être devenu qu'un flou apaisant et chaleureux.
Les deux acteurs jouant le rôle des chasseurs de démon effectuèrent quelques passes pour revenir sur le devant de la scène et fustiger le Serpent Blanc qu'ils veulent abattre. Aucun d'entre eux ne pense que la créature puisse prendre forme humaine pour de louables intentions et tous sont persuadés que la nature d'un démon ne peut être animée d'une volonté de rédemption.
Toutefois, l'esprit du public tout entier restait suspendu aux mouvements de la danseuse.

Aucune conscience ne pût sortir de cette extatique transe lorsque les deux "exorcistes" s'élevèrent dans les airs en direction du pavillon pour lancer une pluie de lame de métal en direction du maître des lieux.

Pour vous éviter une terrible humiliation, je ne vous donnerais pas les scores des Dés des deux spectateurs, mais Yin Qiu aurait du mourir d'une crise cardiaque sous l'émotion

Bai Hou

Le spectacle commença après que le repas fût posé sur les tables et l'alcool servit.
Bai Hou regarda nerveusement toute la cour, son regard fou se perdait d'une personne à l'autre, voyant dans chaque geste un mouvement suspect : ici un courtisan rentrant ses mains dans ses manches, là un servant trop pressé derrière ce soldat bien trop proche de l'estrade....
Les cymbales augmentèrent son inquiétude, tandis que quelque chose de surnaturel se déroulait sur scène : la jeune actrice principal entama une danse d'une sensualité extrême qui hypnotisa littéralement l'audience.
Sa vitesse d'exécution, la perfection de son geste, la précision du moindre de ses mouvements semblaient émettre une forte aura, onctueuse et lascive, qui paralysait les esprits du public.
Pratiquant d'art martiaux, le Singe blanc reconnu immédiatement le déploiement insidieux d'une énergie interne importante et troublante : la femme faisait usage de Neigong !

A peine eût-il réalisé ce fait que les deux acrobates déguisés en guerriers taoïstes bondirent en direction de la scène principale et lancèrent une volée de lame de jet en direction de sa soeur...

Qing Yu Yan

L'exécution ne connut aucune erreur : concentrée, Yu Yan sentait le flot d'énergie remonter le long de son corps et faire vibrer chacun de ses muscles.
Elle ne s'était jamais complètement habituée à cette étrange sensation qu'elle jugeait naturel tout en sachant pertinemment que seul un entraînement drastique avait pu permettre ce phénomène auquel elle ne donnait pas de nom autre que celui qu'elle connaissait : la danse.
A mesure que le Nei Gong jaillissait de ses membres comme autant de vagues invisibles, son corps se relaxait, allant même jusqu'à en oublier les douleurs infligés par le venin : elle vivait à nouveau, sentant les yeux aimantés sur son corps de la totalité du public.
C'est à peine si elle vit ses deux acolytes prendre appui sur l'estrade pour bondir vers la table de banquet, un éclair luisant entre les mains