Chrnonique numero 1 : Les mains des héros ne sont pas toujours tâchés de sang

Xiao Guang

- C'est un honneur pour moi que de vous la céder...Je la destinais à une personne de vertu et voilà qu'elle l'a trouvée...

La vieille femme s'inclina plusieurs fois en tendant l'objet sous l'oeil approbateur de quelques badauds : le petit peuple n'avait pas l'habitude que l'on se préoccupe des siens. Les soldats, les officiers, les marchands étaient souvent l'objet d'une grande attention de la part de tous, mais la vie d'un simple chasseur n'aurait probablement ému personne.
Derrière cette reconnaissance tacite, la majorité des habitants des bas quartiers témoignait de son profond respect pour la jeune femme dont le nom commençait à circuler...

Levant la tête après avoir salué la vieille femme, Xiao Guang pu apercevoir son unique compatriote accompagné de l'eunuque apparemment en grande discussions...

Touchée par cette reconnaissance, je m'incline de nouveau devant la vielle femme pour la saluer.

Pendant que mes pas me mènent vers mon rapport à faire (si Jin Sen Li avait fait le sien ils ne seraient peut-être pas en train de discuter si joyeusement ?), je songe à une autre manière d'évacuer ma colère... par une manière plus proche de la Voie de Bouddha. Est-ce vraiment en tentant de punir les méchants que j'adoucirai le monde ? Rien n'est moins sûr. Le mal semble être un monstre à qui il pousse dix têtes quand on en coupe une. Mais si j'allais vivre parmi ces gens et leur offrait mon savoir... Certes, le monde n'en serait pas moins mauvais mais, si on plante une graine dans un terreau infertile, qu'on l'arrosse patiemment et avec amour, ne devient-elle pas une fleur tout de même ?

C'est avec ce nouveau doute existenciel que je salue bien bas Lin Xiao Hu et Yin Qiu.

*Tant de chemins possibles, mais tous ne sont pas si noirs que ceux que mon coeur préfère. La colère doit-elle mener à la violence ? Peut-être peut-elle mener à des choses louables, tout en étant elle-même quelque chose de mauvais ? Est-ce possible ? Est-ce dit quelque part ? Je ne me souviens pas que le Maître ait dit quelque chose de pareil.... Alors c'est sans doute que je me trompe. Et pourtant...*

- Bonjour Da Ge, bonjour Gu Niang. J'espère que la nuit vous a été bénéfique et que nul songe mauvais, amené par les démons de la peur ou de la colère, ne l'a troublé. Pardonnez-moi de vous déranger dans votre conversation mais je me demandais si Jin Sen Li vous avez bien rapporté les évènements survenus hier soir...

Pour Lin, j'ai sans doute l'air moins fermée que la veille au soir, mes mâchoires s'étant décrispée et la lueur de mon oeil adouci. Cependant, je n'ai pas encore retrouvé toute ma douceur d'antan et quelque chose en moi a irrémédiablement changé, sans que cela soit réellement définissable. Je porte au bras une robe civile et, à en croire l'état de mon propre habit, je n'ai pas dû dormir en intérieur.

Surprise de l'apparition fort à propos de celle dont justement on parlait quelques instant avant, Lin Xiao Yu sourit, sincèrement heureuse de la coïncidence.

"– Oh, bonjour Xiao Guang ! La nuit fut calme, pour moi. Mais plutôt brève : je suis au travail depuis plusieurs heures déjà.
Je n'ai croisé personne depuis mon réveil à part une servante fort gentille et notre ami Yin Qiu que voilà. Qui est l'homme dont vous parlez ? Il ne m'a rien rapporté du tout. S'est-il passé quelque chose de grave ? "

Une ride d'inquiétude plissa le front de la jeune femme. Elle regarda tour à tour Xiao Guang et Yin Qiu d'un air perplexe.

Le singe blanc se prit au jeu et regarda d'une manière un peu plus appuyée le fond du gouffre en tournant légérement la tête. Il regarda à nouveau son interlocuteur. Sur le même ton ironique il lui répondit : Et pour l'escorte...
Le vagabond fit tourner son bâton pour le ramener dans son dos tandis qu'il avançait un pied mal assuré en direction l'homme à l'arbalète. Bai Hou prenait sa garde avant de finir sa phrase : ... vous passez les premiers ?

Yin Qiu s'inclina poliment devant Xiao Guang.
"Bonjour Shi Fu. Acceptez tout d'abord mes condoléances : j'ai appris qu'un vieux moine de vos amis nous avez quitté..." déclara-t-il avant de prendre un air plus intrigué. "Jin Lan Si ? Je n'ai hélas plus revu ce baladin depuis notre expéditions dans la forêt maudites... Il n'aime apparemment guère être vu par les autorités ou les collaborateurs de Wang."
Un petit sourire vint au lèvres de l'eunuque.
"Toutefois, je suis quasi-sûr qu'il a prit des nouvelles de la générale..."

Yin Qiu se pencha vers Lin Xiao Yu pour lui expliquer sommairement qui était Jin Lan Si.
"Cet homme est un valeureux combattant du Jiang Hu, un défenseur du peuple presque aussi fantasque que moi mais avec un penchant plus marqué pour les jeunes dames et les exploits spectaculaires. Je l'aime bien et il ferait un allié de choix, mais il semble avoir des problèmes avec l'autorité et Wang en particulier. Maintenant que vous savez que le général est une femme, je laisse à votre imagination leurs relations et les conflits qui pourrait en résulter..."

L'eunuque revint à Xiao Guang.
"Quel rapport devait faire notre bondissant ami ? Que les cieux soient cléments, dîtes-moi qu'il ne sait pas produit un nouveau drame !"

Sans répondre aux condoléances qui me surprennent pourtant, je réponds directement à la dernière question :

- Le mort que vous m'aviez demandé d'observer, n'était pas mort...

Je laisse un temps pour leur laisser le temps de réellement comprendre ce que je viens de dire, puis réponds aux questions avant qu'elles ne soient posées.

- Il a voulu me prendre en otage pour sortir de la cité. Il voulait, disait-il, rejoindre un temple taoïste. Il ne travaillait pas pour les Jin, qu'il semblait tenir en piètre estime. Il a dit...

Je lève les yeux, réfléchissant, puis je cite les mots exacts :

- Il a dit : "Nous retrouverons l'âge d'or des Zhou pour une paix ininterrompu de mille ans !". J'ai tenté d'obtenir de lui le plus d'informations qu'il m'était possible mais si l'homme était bavard, il savait aussi ne pas trop dévoiler ses secrets. Il semblerait cependant que cet alchimiste ait une maitrise du Neigong qui dépasse de loin nos maigres connaissances.

Sous le choc de cette révélation, Xiao Yu ouvrit des yeux ronds. Pas mort ? Yin Qiu avait donc raison d'être méfiant à cet égard ? Pauvre Xiao Guang qui avait encore subi des déboires dans ce qui aurait dû être une mission de routine ! Cette forteresse était décidément bien surprenante.

"– Mais enfin... comment peut-on vouloir accéder à la paix en massacrant des gens sans raison ? C'est horrible ! Et tout ce qu'il a fait n'a pu qu'aider les Jin qu'il méprise tant ! Il s'est échappé ? Que s'est-il passé ? Comment avez-vous réussi à échapper à ses griffes ? J'espère qu'il ne vous a pas fait de mal ? "

L'avalanche de questions trahissait l'émoi de la jeune femme, perturbée par les révélations.

J'apaise l'inquiétude de dame Lin d'un sourire qui se veut rassurant, mais qu'il n'est qu'absent.

- Il ne m'a pas fait de mal, rassurez-vous. En fait, il me voulait même plutôt du bien, à sa façon : il voulait que j'aille avec lui. Jin San Li est arrivé au moment où il partait en me proposant de le suivre. Il n'a pas pu arrêter l'homme, cependant. Je lui avais demandé de vous faire un rapport, dis-je en me tournant vers Yin Qiu. Mais visiblement il n'a encore décidé d'en faire qu'à sa tête...

Bai Hou

Surpris d'abord, le chef du petit groupe éclata de rire...

- C'est une bravade, mendiant !? Es tu as ce point fatigué de vivre ?

Il arma son arbalète en direction de Bai Hou

- Tu vas m'exécuter une jolie danse en chantant une chanson de louange pour nous tous, et je pourrais me montrer clément...Qu'est ce que tu en dis ?

Yin Qiu écouta dans un silence consterné les nouvelles rapporté par Xiao Guang.
Il s'inclina ensuite bien bas, honteux.
"J'ai encore faillit à tous mes devoirs et je vous ai mis une fois de plus en danger. Toutes mes excuses... J'aurais dû m'imposer plus auprès des militaires, réclamer plus de gardes pour vous escorter ou mieux encore, vous assister moi-même dans l'examen du pseudo-cadavre... J'avais en effet des soupçons sur ce prétendu suicide si hatif..."

L'eunuque soupira.
"Je ne puis qu'invoquer la fatigue et le stress des derniers jours comme excuses... Puissiez-vous me pardonner. Une chance que le bouillant Jin San Li est pu vous porter secours."

Il se mit alors à réfléchir à ce qu'avait apprit la guérisseuse lors de cette prise d'otage.
"Votre courage et votre sens du devoir ont soulevé un peu le voile de mystère qui entoure nos ennemis. Ceux qui ne sont pas Jin, en tout cas. Il semblerait donc que nous affrontions, en plus des barbares, une secte ou un groupe voulant se tailler un empire en profitant du chaos de la guerre, voire en l'alimentant... Ce genre de comportement me débecte : ils ne font qu'ajouter plus de souffrance et de confusion, en se drapant dans de supposé idéaux et but de grandeurs... Notre Empire est loin d'être la perfection incarné, celle-ci étant l'apanage des Dieux, mais si j'arrive à comprendre les velléités martiales des Jin, j'ai du mal à tolérer celles de conspirateurs agissant sournoisement dans l'ombre."

Une fois de plus, il s'inclina devant Xiao Guang.
"Shi Fu, je suis honteux de vous demander ça, alors que le destin semble se jouer de nous, mais... J'aurais encore quelques services à vous demander." annonça l'eunuque d'un ton formel. "Sauriez-vous où se trouve, même vaguement, le prétendu temple taoïste où compter trouver refuge ce traitre visqueux ? Même si nous arrivions trop tard, une expéditions là bas pourrait peut être nous en apprendre plus... Et j'ai également en ma possession un document, une sorte de traité que j'ai trouvé chez les sinistres fanatiques de la forêt. Il est écrit avec une encre mystérieuse qui ne se révèle qu'une fois seulement à la chaleur d'une flamme. Il faudrait donc pouvoir le mémoriser et le copier en une seule fois, choses dont sont capables les moines de la philosophie Chan ou d'autres sages entrainés à mémorisé les Sutra... Connaîtriez-vous une telle personne ?"

Après sa demande si guindée et de si bouleversantes nouvelles, Yin Qiu ne put s'empêcher d'essayer de dissiper la lourde atmosphère.
"Bénit soit les belles fleurs du Dali." lança-t-il en regardant Xiao Guang (ignorant superbement la cicatrice de la moniale) et Lin Xiao Yu. "Sans elles, je crains que l'Empire Song n'ait sombré depuis longtemps face à toutes les jalousies qui le menace. Il serait agréable que le destin n'ai plus besoin de guerre et de complot pour nous faire nous rencontrer."

Xiao Yu fronça les sourcils à ces inquiétantes nouvelles, et écouta avec attention les propos de Yin Qiu. Elle ne se dérida que lorsqu'il lança sa dernière réplique, car cela ressemblait bien à une réplique. Elle sourit légèrement, amusée. Il ne pouvait pas s'en empêcher, apparemment.

"– Certes, tout cela est bien préoccupant, et il serait merveilleux de pouvoir profiter de la compagnie les uns des autres sans toutes ces affreuses circonstances. Néanmoins, les choses sont ainsi faites, et je pense qu'il est de notre devoir d'essayer de les arranger dans la mesure de nos faibles moyens.
Xiao Guang, nous nous dirigions vers le quartier général... cela vous dérangerait-il de poursuivre cette conversation en marchant ? Je dois absolument déposer mes plans de construction à quelqu'un qui pourra les faire mettre en œuvre. Cela pourrait sauver des vies !"

Le singe blanc souri niaisement a ses adversaires en ajoutant : A défaut d'être bon danseur, je suis comique... Mais si vous souhaitez me voire danser, pourquoi pas !

Le vagabond saisi alors sa gourde de sa main libre et descendi quelques gorgées d'alcool. Il referma sa gourde, et commença à imitter du mieux qu'il put des pas de danse vus il y a fort longtemps. A plusieurs reprises, il planta son baton en contre-bas pour garder son équilibre, commançant à tituber. Il recula vers les hommes derrières lui, il avanca vers ceux devant. Il jaugeait ses marges de manoeuvre. Tout en faisant cela, il improvisait un chant "honorifique" sur le rythme d'une chanson à boire...

Quatre tigres du ciel sont arrivés...
...
Une rose ils souhaitent protéger...
...
Un jeune singe ils ont arrêté...
...

Acquiesçant à la demande de Lin, je réponds à Yin Qiu en marchant :

- Je ne connais pas grand chose aux temples taoïstes, malheureusement. Par contre, je connais plusieurs temples Chan où vous pourrez trouver des personnes capable de mémoriser un texte par une seule lecture : le Temple de la Plaine Celeste près de Kaifeng est le plus proche, le Temple de la Lampe de Sagesse sur le Mont Potou dans le Sud et celui des prêtresse de la Conscience Apaisée sur les montagnes centrales sont plus lointains mais, selon la direction que vous prendrez, peut-être vous seront-ils plus pratiques d'accès.

Bai Hou

La surprise générale du groupe fit place à l'hilarité...Plusieurs hommes éclatèrent de rire et encouragèrent le mendiant en claquant leurs mains aux rythmes des paroles, jetant de tant à autres quelques moqueries à l'artiste improvisé.

- Ha ha ! Voilà bien une démarche élégante pour un boiteux ! Bois encore un peu et nous n'aurons même pas besoin de te pousser !

Seul l'arbalétrier se contenta d'esquisser ce qui semblait être un sourire mais continuait de tenir Bai Hou en joue.

Bai Hou se ressaisi de se gourde et il s'approcha de l'arbalétrier en lui tendant cette dernière. Prends en un peu, ça ne peux pas te faire de mal... Ca ne peut que t'aider à rire aussi ! lui dit-il sur un ton enjoleur.

Lin Xiao Yu écouta avec attention les paroles de la moniale, tout en poursuivant sa route. Elle avisa alors que la jeune femme portait un paquet. Curieuse, elle attendit la fin de la phrase de la moniale avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres :

"– Je vois que vous avez fait des emplettes... comptez-vous aller quelque part ?"

Elle-même aurait aimé pouvoir s'offrir une tenue pour remplacer celle qu'elle avait abîmé la veille dans la tourmente... et peut-être, quelques livres pour se distraire. Mais il n'était pas temps de s'en soucier, alors elle avait mis de côté ses fantaisies vestimentaires et ludiques pour se concentrer sur le travail.

Suite à la question de Lin, je me mets à rougir très violemment et, très troublée, réponds un peu à côté.

- C'est... une robe... civile.

Xiao Yu haussa un sourcil, perplexe.

"– Civile ? Vous voulez être incognito ?"

Elle ne voyait que cette raison pour changer de tenue. Elle-même avait bien emprunté des haillons de pêcheurs pour le même motif...

J'ouvre de grands yeux :

- Incognito ? Pourquoi faire ? Je ne suis pas connue...

Puis, voyant qu'il me faut donner des explications, je me replie sur moi-même comme une fleur des mers qu'un mince frôlement fait rentrer dans la pierre.

- Je... je vais changer d'habit.

Voyant bien que la moniale était en difficulté, et que le sujet la dérangeait, Xiao Yu décida de lui laisser une chance de détourner l'attention de ce sujet sensible : d'un air intéressé, faisant semblant de ne pas avoir remarqué le trouble de sa compatriote, elle lança :

"– Je peux voir cette robe ? Où l'avez-vous eue ?"

Bai Hou

Le petit groupe éclata de nouveau de rire à la remarque du loufoque Singe blanc...Mais cela rendit le chef des brigands plutôt nerveux

- Tu ne me ferais plus rire en sautant dans ce trou, pécore....

Son doigt tressautait nerveusement sur la clanche de l'arbalète, mourant d'envie de relâcher un carreau sur l'importun, mais hésitant à perpétrer ce meurtre gratuit devant ses hommes...

- Rebrousse chemin maintenant...

Un peu soulagée, j'esquisse un sourire de gratitude pour une dame absente :

- Je voulais acheter un vêtement simple mais il se trouve que la dame chez qui je suis allée était la mère d'un des soldats partis avec nous en expédition. Elle m'a très généreusement fait présent d'une robe qu'elle destinait à sa fille pour me remercier de l'avoir aidé.

Souriant avec douceur, Xiao Yu ralentit le pas.

"– C'est très généreux de sa part ! Montrez-moi donc cette robe : cela fait si longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'admirer un vêtement neuf, cela me ferait plaisir de contempler quelque chose de différent de ce que je vois d'habitude !"